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bouge pas. Il faut croire cependant que l’Allemagne n’est pas sans quelque inquiétude à ce sujet, puisqu’elle a envoyé le comte de Wedel jouer à Bucarest les princes de Bülow. Ce trait achève le parallélisme entre les deux situations de l’Italie et de la Roumanie : nul ne saurait dire s’il se maintiendra jusqu’au bout.

La Bulgarie, elle aussi, reste dans l’incertitude et nous y laisse : ses réflexions ne sont pas encore terminées, ses marchandages non plus. En attendant qu’elle en sorte, tournons-nous du côté de la Grèce, non pas qu’elle soit sortie des siennes, mais parce qu’il vient de s’y passer un événement important, qui ne saurait manquer d’avoir des suites. La démission de M. Venizelos ayant rendu nécessaire la dissolution de la Chambre, où il avait une très forte majorité, des élections nouvelles ont eu lieu le dimanche, 13 juin, et, en dépit d’une pression électorale qui a pris toutes les formes et où la main pleine d’or de l’Allemagne a été cyniquement apparente, M. Venizelos a obtenu une majorité qui oscille entre 70 et 90 voix, — car il y a comme toujours des membres incertains, — mais qui dans tous les cas reste considérable. Parlementairement, M. Venizelos est maître de la situation. Le ministère Gounaris aurait dû donner aussitôt sa démission. Croit-on qu’il l’ait fait ? Point du tout, et les prétextes ne lui ont pas manqué. D’abord la maladie du roi Constantin. M. Gounaris invoque le fait qu’il ne peut pas donner sa démission à un homme qui n’est pas en état de la recevoir, et il reste en place. Quant à la Chambre, elle ne doit être réunie, dit-on, que le 20 juillet. Mais pourquoi ne pas la réunir avant ? Le 20 juillet est la dernière limite : rien n’oblige à l’attendre et la Chambre pourrait être réunie beaucoup plus tôt ; il suffirait que M. Gounaris le voulût. Seulement, il ne le veut pas. M. Venizelos, qui connaît le prix du temps, pousse à la réunion immédiate de la Chambre. S’il l’obtenait, le diadoque serait probablement nommé régent et serait chargé de suppléer son père jusqu’à son complet rétablissement. C’est ce, qu’on ferait dans tout autre pays constitutionnel, mais, en Grèce, il y a de la résistance à une solution qui parait si simple, et on reconnaît encore l’action de l’Allemagne dans ce parti pris de lutter jusqu’au bout avec toutes les armes et de tendre la corde au risque de la casser. M. Venizelos a beau avoir la majorité dans la Chambre, c’est-à-dire avoir le pays avec lui, il reste l’ennemi et on lui a déclaré la guerre. Non content des maladresses qu’on a déjà commises à son égard, on s’applique à en commettre de nouvelles, comme si on voulait l’exaspérer et le pousser aux dernières extrémités. Pendant la campagne électorale,