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s’expriment sous cette forme. Pour finir, le Pape déclare avoir pensé aussi aux intérêts du Saint-Siège que l’état de guerre met en danger. En réponse à cette assertion, le gouvernement italien a publié une note officieuse où il affirme que toutes les précautions ont été prises pour assurer la pleine liberté du Vatican et il semble bien y avoir réussi. Mais, gémit plaintivement le Saint-Père, « ne pouvait-on pas laisser ma garde intacte ? J’ai besoin de garantir la sécurité matérielle de ma personne et des richesses artistiques qui m’environnent. On m’a pris vingt gardes, plusieurs officiers, des employés que je ne peux pas aisément remplacer ; des gardes-nobles ont été mobilisés. » Eh bien ! nous le disons avec franchise, des considérations de ce genre ne justifient pas l’intervention pontificale entre les belligérans. Elles sont petites et mesquines en comparaison de l’acte que le Pape a accompli et qui, s’il avait réussi, aurait tourné au détriment de la France et au profit de l’Allemagne. Ni sa personne, ni les richesses artistiques dont il a la garde ne courent le moindre danger : leur sécurité ne dépend pas de quelques gardes-nobles de plus ou de moins. Le Pape n’avait donc pas à prendre parti. « L’avenir est sombre, » dit-il. Il l’est, en effet, et son langage n’est pas de nature à l’éclairer d’une pure lumière. Le rêve du Saint-Père est de « s’employer à ramener la paix parmi les hommes. » La paix se fera quand le moment en sera venu : il ne l’est pas encore et en parler intempestivement n’est pas une manière de la hâter. Nous ne voulons de la paix que lorsque la guerre aura produit les résultats que nous en attendons. « Je guette l’occasion avec une sorte de fièvre, dit le Pape : je me jetterai sur la première main qui se tendra. » Qu’il la prenne donc, si elle se tend vers la sienne, mais il aura désormais quelque peine à y en joindre une seconde.

Nous écrivons ces lignes avec regret, étant de ceux qui croient aux grands services que le Saint-Siège peut rendre à l’humanité et à la France. Nous avons espéré, nous espérons toujours que nos désirs se réaliseront un jour et nous souhaitons que ce jour soit prochain. Mais comment ne pas réprouver une tristesse profonde en voyant s’ajouter une difficulté nouvelle à une tâche qui en présentait déjà tant ?


FRANCIS CHARMES.

Le Directeur-Gérant,

FRANCIS CHARMES.