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Page:Revue des Deux Mondes - 1915 - tome 28.djvu/299

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l’évolution qui, affranchissant l’Italie de la tutelle allemande, la mit aux prises avec la Sublime-Porte, dont les attaches avec Berlin avaient survécu à la chute d’Abdul Hamid.

La campagne de Libye ouvrit les yeux de nos voisins sur la sincérité des sentimens allemands à leur égard. Il fut avéré que des officiers venus de Berlin dirigeaient, comme ils le font encore, les soldats qui combattaient en Tripolitaine et en Cyrénaïque contre les Italiens. Ceux-ci, dès lors, comprirent les visées secrètes d’alliés qui ne les embrassaient que pour mieux les étouffer. Ils constatèrent avec épouvante la place que les directeurs, contremaîtres, fondés de pouvoirs, commis d’outremonts, avaient prise dans les banques et les sociétés industrielles. Nous aurons occasion, au cours de notre étude, de montrer avec quelle habileté ce travail de pénétration silencieuse s’était opéré.


I. — DEVELOPPEMENT ECONOMIQUE DU ROYAUME DEPUIS L’ORIGINE. — L’EMIGRATION

Après Magenta et Solférino, l’Italie n’était plus l’expression géographique à laquelle le prince de Metternich, du haut de son aristocratique dédain, prétendait la réduire. Groupés autour de princes dont la devise leur montrait le chemin : « Savoie, ma voie, » les duchés et royaumes qui luttaient jadis les uns contre les autres s’unirent en un grand pays, dont les destinées ne tardèrent pas à s’accomplir. Le royaume piémontais-sarde s’accrut en 1859 de la Lombardie, de la Toscane, des duchés de Parme et de Modène, en 1860 de Naples et de la Sicile, en 1866 de la Vénétie, en 1870 des États pontificaux. Aux étapes rapides de ce développement territorial répondit un progrès économique non moins remarquable. Agriculture, industrie, commerce, finances, tout suivit une marche ascendante. La population, qui s’élève à 36 millions d’habitans, égalera bientôt celle de la France. Sobre, presque partout énergique et laborieuse, elle est l’élément essentiel de la puissance italienne. On s’est effrayé à diverses reprises du chiffre considérable de l’émigration. Mais beaucoup de ceux qui s’expatriaient ne le faisaient que temporairement : ils envoyaient à leurs familles demeurées au pays natal une partie de leurs épargnes et contribuaient ainsi à l’enrichir. Ceux qui