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d’une hausse qu’ils n’ont d’ailleurs ni provoquée ni aggravée-par des manœuvres coupables. Demain une baisse leur infligera des pertes ; le consommateur profitera, sans inquiétude et sans remords, des sacrifices infligés à son vendeur, et la liberté aura servi tous les intérêts en respectant tous les droits.

Mais pourquoi, nous répondra-t-on, le blé augmente-t-il de prix à l’étranger ? Le problème mérite, en effet, toute notre attention. Il convient de le poser et de le résoudre. Qu’on le remarque bien, c’est visiblement le cours du froment sur les marchés des grands pays exportateurs qui nous intéresse aujourd’hui.

Parmi les pays capables de vendre une partie de leur récolte après avoir assuré leur propre consommation, figurent en première ligne, — à cette heure, — le Canada, les États-Unis, l’Argentine, l’Inde, l’Australie. Sur leurs marchés affluent les demandes des pays importateurs qui consomment plus qu’ils ne produisent. Ces demandes sont d’autant plus actives et pressantes que les récoltes ont été plus complètement détruites dans des pays dévastés par la guerre, et que, d’autre part, l’exportation est plus difficile pour certaines nations capables d’ordinaire de céder une part de leur production.

Nous savons tous que la Belgique, le Nord de la France, la Prusse orientale ont perdu une fraction de leurs moissons, foulées, brûlées, gaspillées par l’ennemi. D’un autre côté, la Bulgarie, la Roumanie et surtout la Russie ne peuvent pas exporter aisément. La fermeture des Dardanelles nous prive de 20 ou 25 millions d’hectolitres de blé qui pourraient approvisionner les marchés de l’Angleterre, de la France, de l’Italie, de la Suisse, etc., etc. Comme le disait très justement M. Asquith, en traitant cette question devant la Chambre des Communes, la hausse résulte à la fois de l’augmentation de la demande et de la diminution de l’offre.

Des faits spéciaux expliquent en outre l’élévation des prix du froment pendant les premiers mois de 1915. On s’imagine parfois que la récolte du blé a lieu, dans le monde entier, au même moment. C’est une erreur grossière. Il ne se passe pas-, pour ainsi dire, de jour sans que l’on moissonne quelque part. Seulement les grosses moissons, celles qui comptent au point de vue commercial, celles des pays exportateurs notamment, n’ont lieu qu’à des époques spéciales. C’est en janvier, par