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Page:Revue des Deux Mondes - 1915 - tome 28.djvu/422

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cela, il croyait que je ferais bien de me priver de vous voir et de vous écrire.

« Vous pouvez vous souvenir, monseigneur, qu’il y avait longtemps que je n’avais eu cet honneur ; mais j’en avais conservé le désir et l’espérance… Vous me manquant, je sentais le besoin de quelqu’un qui vous remplaçât ; M. de Meaux seul m’y parut propre. Il me permit de lui écrire de temps en temps.

«… Je ne sentais point de répugnance à vous le confier ; et comme mon attachement pour vous, monseigneur, était toujours le même, mon cœur ne me reprochait rien à votre égard… »

Voilà donc Mme de la Maisonfort sous la direction de Bossuet. Cette fidélité à Fénelon, en même temps que ces doutes et ce désir d’une lumière plus sûre, on n’imagine point de conduite plus délicate et plus sage. Avec tous ses défauts, cette âme était de bonne volonté.


Elle ne devait point, cependant, recueillir le bénéfice de sa prudence.

Au dehors, l’orage du Quiétisme était déchaîné. Les éclats en arrivaient jusqu’à Saint-Cyr, où ils éveillaient dans les âmes des religieuses des échos douloureux et passionnés. Mme de Maintenon s’alarmait. Surprise, elle considérait ses fautes ou ses imprudences ; elle voyait pour la première fois son crédit sur le Roi menacé ; une sorte d’instinct de conservation la poussait à trancher dans le vif, à renier les amitiés compromettantes.

Mme de la Maisonfort fut une de ses premières victimes.

Déjà en 1696, ses rapports avec Mme de Maintenon devaient avoir subi un grand refroidissement. Bossuet lui écrivait, en septembre : « La contrariété naturelle que vous éprouvez avec Mme de Maintenon vous doit être un exercice continuel de mortification. Contentez en elle, non pas elle, mais Dieu… » Et quelques mois plus tard : « Pour Mme de Maintenon vous voyez une grande marque de sa charité, non seulement dans le soin qu’elle prend de m’envoyer vos lettres, mais encore d’en solliciter elle-même les réponses. Mais avec tout cela, ma fille, sacrifier à Dieu tout le goût de cette amitié… heureuse d’avoir à sacrifier quelque chose d’aussi considérable selon le monde ! »

La rupture approchait. Mme de la Maisonfort en a écrit le récit douloureux ; écoutons-la.