Page:Revue des Deux Mondes - 1915 - tome 28.djvu/423

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

« Je supposais que Mme de Maintenon n’était point inquiète de mes sentimens, puisqu’elle était instruite de ma confiance en M. de Meaux. Cependant, au mois de mars 1697, dans un entretien que ma sœur du Tourp eut avec elle, elle lui marqua une grande douleur de mon prétendu changement, et son attendrissement alla jusqu’aux larmes. Ma sœur du Tourp me conseilla de lui écrire, ce que je fis.

« Dans sa réponse, elle me disait que sa douleur venait de ma sorte de piété, et de me voir penser autrement que ceux que Dieu avait chargés de gouverner notre maison et ma personne ; qu’elle serait contente quand je serais unie avec l’évêque, le supérieur et les confesseurs de Saint-Cyr ; que jusque-là elle pleurerait mon état, et craindrait le mal que je pourrais faire dans la maison…

« Quoique je ne fusse pas unie à M. de Chartres comme autrefois, je ne me croyais pas mal avec lui. A l’égard du supérieur, il ne venait presque jamais à Saint-Cyr, et je n’avais jamais eu qu’une seule conversation avec lui, dont il m’avait témoigné être très satisfait. J’étais fort bien avec mon confesseur ; la supérieure me paraissait contente de moi, et je l’étais d’elle. Ainsi les inquiétudes de Mme de Maintenon n’avaient point de fondement bien réel.

« Sa lettre fut suivie d’une conversation ; elle m’y témoigna beaucoup d’estime, me disant qu’elle avait compté que ce serait moi qui soutiendrais la maison après sa mort ; qu’elle avait tout espéré de la droiture de mon esprit ;… que je pensais naturellement très juste ; qu’après avoir parlé ainsi, c’était se louer soi-même que de dire que nous pensions l’une comme l’autre… Elle me reprocha d’être surtout changée pour M. de Chartres, et mes délicatesses sur la direction, en des termes qui me firent penser qu’elle voulait me faire entendre que je me retirasse de la direction de M. de Meaux pour me mettre sous celle de M. de Chartres… »

Mme de la Maisonfort le lui proposa, se déclarant prête à obéir. On ne la prit pas au mot.

Sur ces entrefaites, le livre des Maximes parut. Les alarmes de Mme de Maintenon redoublèrent.

« Quoique, après l’entretien dont j’ai parlé, Mme de Maintenon m’eût mandé qu’elle en était parfaitement contente, elle prit, à quelque temps de là, des manières si froides à mon égard, que