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aux confins de la Carinthie et de l’Istrie, dans la région que les Autrichiens désignent sous le nom de Küstenthal.

Mais la tâche précise qui semble réservée à cette flotte ne laisse pas d’apparaître fort lourde. Quel que soit le mode de coopération, — coopération indispensable et qui doit être Immédiate, étroite, sous peine de recommencer Cattaro et les Dardanelles, — que l’on adoptera en ce qui touche l’armée et la marine, l’attaque du saillant de l’énorme bastion de l’Istrie par les vaisseaux se présente comme aussi difficile que l’occupation de la gorge de ce redan naturel par les forces de terre.

Il est donc possible que l’état-major naval italien ait demandé un renfort sérieux, et il n’est pas probable que ce secours lui ait été marchandé. Tenons-le donc pour accordé et examinons en quoi il peut consister.

Nous avions, depuis le début de la guerre, à l’entrée de l’Adriatique, une armée navale composée, en ce qui touche le corps de bataille, de cuirassés qualifiés de « pré-dreadnoughts, » c’est-à-dire de bâtimens dont l’artillerie de gros calibre ne comptait que quatre pièces de 305 millimètres[1] au plus, tandis que les vrais « dreadnoughts » en comptent au moins dix. Pour modeste que parût aux yeux de quelques-uns, de nos rivaux notamment, une force navale aussi peu pourvue de canons monstres, on ne se soucia pas de la compromettre vis-à-vis des fortifications de côte, surtout vis-à-vis des torpilles fixes et des sous-marins qui complétaient certainement les défenses des points intéressans du littoral autrichien. La réserve fut poussée, affirme-t-on, jusqu’à maintenir le gros des escadres au Sud de la ligne des fonds de 100 mètres, qui se tient à 85 milles marins (157 kilomètres) de la pointe Sud de l’Istrie. Un peu plus tard, grâce à des efforts qu’il n’est que juste de rappeler ou de faire connaître au public, on arriva à constituer avec les bâtimens en achèvement dans nos ports et chantiers une belle division de « dreadnoughts » authentiques qui prit la tête de l’armée navale, mais à laquelle, — et bien moins encore, — on n’imposa pas une attitude offensive estimée trop dangereuse. Le torpillage du Jean-Bart, le 21 décembre 1914, vint à point pour montrer

  1. Pour les cuirassés allemands, on admet l’équivalence du canon de 280 millimètres Krüpp avec les pièces de 305 dus autres marines.