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qu’à l’ordinaire ; j’étais chargé de l’assurer, et, en outre, je devais être prêt à répondre à tout appel : il y en avait au moins toutes les demi-heures.

Dès le matin, la mobilisation commença. On remarqua tout de suite que « c’était sérieux » aux indices suivans : distribution de plaques d’identité, de vrais pains de guerre, de vrais panse-mens (qui, jusqu’alors, dans les exercices ordinaires, étaient remplacés par des bouts de papier), etc., etc. ; puis, les corvées partirent pour aller chercher dans les magasins les caissons chargés de munitions et les effets de guerre, pour la remonte, « toucher » les jeunes chevaux, fourrage, avoine, vivres de réserve, etc.

Au réveil, les armuriers étaient au travail ; armés de limes, ils affûtaient les sabres avec un soin jaloux ; ce crissement rapide et mordant sur l’acier donnait une sorte de frisson : « Eh ! là-bas ! venez voir, vous autres ! On aiguise les sabres ! Ça va chauffer ! » Le mien, que j’avais fait « soigner, » était coupant comme un rasoir, et chacun faisait admirer l’air méchant de ces lames encore chaudes du frottement de la lime.

Entre temps, arrivaient les premiers réservistes, à côté de quelques-uns de nos anciens ; on voyait des territoriaux dont plusieurs grisonnaient ; un même avait la barbe blanche ! Une foule d’hommes, de femmes, d’enfans se pressait devant la porte du quartier pour voir arriver les chevaux de réquisition conduits par leurs propriétaires, les officiers, les plantons, et tout le mouvement qui agitait ce coin si calme d’ordinaire.

À midi, la mobilisation était terminée ; on préparait les ballots d’effets d’exercice qui serviraient aux réservistes avant d’aller au front ; chacun triait ses papiers, ses affaires personnelles. Nous étions émus et nous nous sentions prêts à de grandes choses. Déjà le quartier était consigné et l’on cherchait le moyen de s’assurer des objets que l’on croyait devoir être utiles pendant la campagne, car, plus tard, il serait difficile de se les procurer. Les brancardiers s’exerçaient à transporter et à soigner de pseudo-blessés…

Dans la nuit du jeudi au vendredi (29), les chevaux de réquisition arrivèrent en très grand nombre ; les forges des batteries étaient installées dans la carrière ; on matriculait les chevaux au fur et à mesure de leur classement. Les officiers