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La Princesse Eugénie de Hohenzollern Hechingen, à Mademoiselle Masuyer.


Hechingen, ce 2 novemhre 1836.

Dans l’inquiétude où je suis, je ne pus m’empêcher de venir vous prier, Mademoiselle Masuyer, de vouloir bien me donner des nouvelles de ma tante. Les journaux m’annoncent ce matin que Louis a été arrêté à Strasbourg. Si je ne le savais parti d’Arenenberg, j’aurais peine à le croire, mais j’avoue que je suis bouleversée de cette nouvelle et ne puis penser à ma pauvre tante sans frémir. Au moment d’embrasser ce bon et excellent Louis ! et, au lieu de cela, le savoir captif, me cause une grande peine et je suis si inquiète pour lui et pour ma tante que je voudrais donner des ailes à quelques mots que je vous prie instamment de me donner en réponse, pour que je sache ce qui en est et comment ma tante se porte. Ah ! quand les tourmens de cette pauvre femme seront-ils à leur fin ? Pardon, mademoiselle Masuyer, de mon importunité, mais c’est bien vous qui êtes si attachée à ma tante et qui lui en avez déjà donné tant de preuves, qui comprendrez mon inquiétude et la peine extrême que j’éprouve de tout ceci. Veuillez donc me rassurer bientôt et croire que votre complaisance ne peut qu’augmenter tous les sentimens de haute considération et d’intérêt que vous savez si bien inspirer. — Votre bien dévouée Eugénie de Hohenzollern.


Laure à Valérie.

Strasbourg, 10 novembre.

Je m’empresse, chère amie, de t’annoncer que le Prince est parti hier soir pour Paris. Le préfet et le général l’ont embarqué, un officier de gendarmerie et plusieurs agens de police étaient venus le chercher. Il n’y a pas de doute que, le Roi se réservant de se prononcer sur son sort, c’est pour le lui faire meilleur. Le caractère du Roi est trop connu pour qu’on puisse supposer autre chose, et les personnes qui s’intéressent au Prince et à sa pauvre mère doivent se réjouir de le voir hors des mains de la Justice, qui eût peut-être été plus sévère que ne le sera le Roi, qui est modéré par caractère et bon père de famille. Il pensera, comme tout le monde, que la leçon aura été forte pour le Prince