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d’oracle qui puisse l’emporter, le cas advenant où on en fût au choix. L’essentiel est de conserver cette réputation qui vous place haut et qui fait qu’on vous choisit parce qu’on y est forcé par l’opinion générale… Nous sommes d’accord qu’il n’y a que cela à espérer… Nous sommes d’accord aussi qu’un an et demi est nécessaire pour amener une opposition forte, etc., etc. Les cas fortuits sont rares et, s’il faut les compter, on ne doit rien aventurer pour eux. Voici ce que j’appelle aventurer. Si, après une catastrophe, on reparaît tout de suite, on est taxé d’intrigant, d’ambitieux. Ce n’est pas la réception faite par quelques individus au quel (sic) je regarde, mais c’est l’opinion générale d’un pays qui vous voit arriver de mauvais œil parce qu’il présume que vous venez avec les mêmes idées. S’il se passe la plus petite chose en France, on vous l’attribue et on salit votre caractère. De plus, vous avez un nombre infini d’exilés qui vous recherchent, vous entourent. Si vous les repoussez, vous vous faites des ennemis irréconciliables. Si vous les accueillez, vous ne pouvez en rien les satisfaire et vous vous trouvez un chef de mécontens. D’aujourd’hui en un an, qu’on revienne, c’est tout simple : on a une mère malade dont la santé inquiète. Si des événemens obligeaient à venir dans quelques mois, on a assez d’esprit pour les juger de loin et, en vingt jours, on est arrivé. — Voilà toute mon opinion, et je suis sûre que là-bas on pense comme moi. — Avant tout, il faut conserver la pureté de son caractère et juger qu’une démarche peut donner beau jeu aux ennemis. Pour ce qui regarde Madame, elle a renoncé à la vente, cela ferait mauvais effet maintenant ; elle doit se soigner, car une inflammation, qui n’a pas été prise à temps, lui cause une maladie sérieuse. Quand elle pourra aller à Londres, elle ira, mais elle ne souffrirait pas qu’on fit ses honneurs aux dépens de ce qu’elle aime : elle doit être malheureuse du malheur de son fils, mais elle ne veut pas qu’on l’accuse de l’avoir fait souffrir en rien…

« Nous avons enfin des nouvelles de l’arrivée par le ministre de la Marine. On dit qu’il a fait la conquête de tout le monde par son esprit, sa douceur et la simplicité de ses manières. Nous voilà du moins rassurés, mais nous attendons des lettres directes avec impatience. — Hortense. »


Valérie Masuyer