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X. — BRAY-SUR-SOMME

Le groupe partit donc au trot : j’allais rechercher, à leurs différens postes, nos camarades employés à la liaison. Nous marchions très rapidement, en silence, avec cette espèce d’appréhension que l’on éprouve chaque fois que l’on va prendre une nouvelle position de combat : « Serons-nous mieux ou plus mal que ce matin ? » Chacun se pose la question, mais ne la communique à personne : on ne doit pas s’énerver mutuellement. Et tout d’un coup, voilà la reconnaissance partie au grand galop pour choisir notre emplacement. C’est toujours le même travail : le commandant marche d’abord avec le lieutenant orienteur, suivi du peloton des éclaireurs qui jalonnent la route pour les batteries ; lorsqu’il arrive en vue de l’ennemi, il met pied à terre et, se dissimulant de son mieux, va choisir son observatoire ; les « jalonneurs » amènent alors les batteries à leur place par les chemins les mieux dissimulés. On comprend l’importance qu’il y a à se mettre en position sans être aperçu de l’ennemi ; aussi cette manœuvre s’effectue-t-elle très vite. Les avant-trains sont, ensuite, ramenés en arrière, quelquefois très loin (2 kilomètres), à l’abri des obus ; le plus dur est fait.

Les officiers rejoignent le commandant à son observatoire, souvent à plusieurs centaines de mètres en avant des pièces auxquelles ils sont reliés par le téléphone ; aussitôt que cette liaison est assurée, le feu commence.

A Bray, face à Fricourt, nous étions merveilleusement dissimulés ; les avant-trains très près de nous, l’observatoire facile à joindre ; c’était une excellente position où nous fûmes très tranquilles. Et pourtant, une imprudence d’officiers voisins de nous faillit nous coûter cher ainsi qu’à leur groupe. C’était au moment où notre reconnaissance arrivait sur le terrain ; ils venaient d’être repérés en batterie à 500 mètres en avant de nous et avaient dû quitter leur position pour marcher plus au Nord ; ils firent cette manœuvre au pas, vinrent se grouper devant nous, les trois batteries l’une à côté de l’autre, et repartirent au pas, tout cela en pleine vue de l’ennemi. Ils eurent la chance inouïe de ne pas être atteints par les salves de gros « noirs » qui leur furent envoyées, heureusement dans une fausse direction. C’était peut-être, de leur part, une preuve de grand