Page:Revue des Deux Mondes - 1915 - tome 28.djvu/852

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

camarades, nous proposant de délicieuses cigarettes et une tasse de thé, tandis que nous n’avons rien à leur offrir. Les chevaux sont superbes de santé, gras et le poil luisant, avec des harnachemens très propres et pratiques. Nous remarquons surtout leur service d’automobiles merveilleusement organisé, pour la Croix-Rouge comme pour le ravitaillement, et aussi les tracteurs à vapeur, tout neufs, pour les poids lourds ; beaucoup de motocyclistes, bien « moulés, » équipés comme de riches touristes. La camaraderie des sous-officiers avec leurs hommes est aussi très frappante, d’ailleurs rendue facile par leur sentiment très développé de « respectability » qui fait que chacun sait se tenir à sa place.


XV. — EN BELGIQUE

Nous franchissons, à 12 h. 18, la frontière belge, sur la route de Westoutre. Ce n’est pas sans un certain regret que je quitte notre terre de France, qui, jusqu’ici, m’a été favorable. La terre belge me sera-t-elle aussi bonne ? Oui, je pense, car maintenant je ne suis plus un étranger indifférent pour elle, mais un ami !

La route est encombrée de convois anglais et français et de cavalerie française démontée : nous croisons au moins un régiment de cuirassiers et de dragons de tous les numéros, qui portent le lebel, le sac et la capote des fantassins.

Grande halte à Westoutre ; dans un café à enseigne flamande, — tout est flamand à présent, — je change ce qui me reste de monnaie française ; mais on ne trouve ni à boire ni à manger dans le pays : il y a trop de troupes. Nous continuons notre route jusqu’à Wlamertingue, à l’Ouest d’Ypres. C’est une gentille petite ville propre, avec ses maisons dont la façade est très caractéristique (je ne sais quel nom les architectes donnent à cette disposition du toit), et toutes les fenêtres tendues de rideaux de dentelles.

Nous formons le parc tout près de la voie ferrée, sur laquelle passent des trains de blessés ; le cantonnement est établi dans une maison en construction, où, avec de la paille, nous nous trouvons suffisamment bien. Le canon tonne terriblement ; le vent nous apporte l’écho de la fusillade et la crécelle des mitrailleuses…