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Chateaubriand resta seize ans sans revoir l’Italie. En 1822, ambassadeur à Londres, il obtint d’être l’un des représentons de la France au congrès de Vérone. Il partit en septembre et passa, cette fois, par le Simplon. Cette traversée lui inspira des vers, — médiocres, — qu’il acheva à Vérone et dont il envoya les premières strophes à la duchesse de Duras. La pièce complète figure dans le recueil de ses poésies sous le titre de Les Alpes ou l’Italie. Il y évoque le temps déjà lointain de son départ pour Rome :


Pour la première fois, quand, rempli d’espérance,
Je franchis vos remparts.
Ainsi que l’horizon, un avenir immense
S’ouvrait à mes regards.

L’Italie à mes pieds et devant moi le monde !
Quel champ pour mes désirs !
Je volai, j’invoquai cette Rome féconde
En puissans souvenirs…


Le refuge du Simplon était tenu par une Française. « Au milieu d’une nuit froide et d’une bourrasque qui m’empêchait de la voir, elle me parla de la Scala de Milan ; elle attendait des rubans de Paris : sa voix, la seule chose que je connaisse de cette femme, était fort douce à travers les ténèbres et les vents. »

Le 12 octobre, il écrit de Milan à la duchesse de Duras : « J’ai vu le Simplon, les îles Borromées, l’enfer et le ciel, et tout cela m’a été à peu près indifférent. Pourtant les arbres qui ont toutes leurs feuilles, cette belle lumière, ce beau soleil, m’ont fait souvenir du temps où l’Italie était quelque chose pour moi. » Il est dans une période de tristesse et de dépression ; quelques jours après, il écrit à la même : « Ce qui m’afflige, c’est que l’Italie ne me fait rien. Je ne suis plus qu’un vieux voyageur qui ai besoin de mon gîte et puis de ma fosse ; Quand on a âge de congrès, tout est fini. »

Je n’ai trouvé aucune indication sur son itinéraire de Milan à Vérone et je me demande pourquoi il alla jusqu’à Plaisance. Mais ce détour lui procura une rencontre piquante. « En traversant le Pô, une seule barque nouvellement peinte, portant une espèce de pavillon impérial, frappa nos regards ; deux ou