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gloire et leur a permis de faire un grand mal à l’ennemi. Les pertes austro-allemandes sont énormes ! L’armée russe, en dépit des grandes qualités qu’elle a déployées, a éprouvé un échec, soit ; mais elle n’a pas été vaincue, elle a seulement changé de terrain de combat. Bientôt elle aura les munitions qui lui manquent. Nous aurons nous-mêmes et les Anglais auront aussi toutes celles dont nous avons besoin. Nous en avons assez, en attendant, pour nous maintenir sur une défensive qui ne sera pas entamée. La patience, que nous avons recommandée si souvent, nous est de plus en plus indispensable ; mais elle est aussi pour nous, plus que jamais, une garantie de succès.

L’empereur d’Allemagne commence-t-il à en avoir l’impression ? Il y a un an que la guerre a éclaté : il semble que tout le monde se soit donné le mot pour ne pas laisser passer cet anniversaire sans le marquer de quelque manifestation. Le roi d’Angleterre et le président de la République ont échangé des télégrammes dans lesquels ils se sont donné mutuellement l’assurance qu’ils iraient, que leurs pays iraient jusqu’au bout, c’est-à-dire jusqu’à la victoire décisive. Les principaux hommes politiques anglais ont prononcé des discours dans lesquels ils ont éloquemment développé la même affirmation. Chez nous, le président de la République, usant d’un droit que la Constitution lui donne, mais dont il use très rarement, a adressé aux Chambres un message où il ne leur a pas dit autre chose. Il avait parlé au nom du Gouvernement, ce qui a permis à celui-ci de se taire, mais les présidens des deux Chambres, MM. Antonin Dubost et Paul Deschanel, ont prononcé l’un et l’autre des paroles vigoureuses qui ont été couvertes d’applaudissemens enthousiastes. En Russie enfin, l’ouverture de la Douma a permis aux ministres de l’empereur Nicolas de faire entendre la voix du pays : nous dirons un mot dans un moment de cette manifestation, qui est trop importante pour être passée sous silence. On peut bien penser que l’empereur Guillaume n’a pas laissé échapper, lui non plus, cette occasion de parler à l’Allemagne et à l’Univers. Il l’a fait, et son éloquence a un peu déçu l’auditoire : il a semblé qu’elle n’avait pas son éclat habituel. Pour commencer, l’Empereur, sentant bien le poids de la responsabilité dont le monde s’obstine à l’écraser, a paru vouloir le secouer. « Un an s’est écoulé, a-t-il dit, depuis que je fus obligé d’appeler le peuple aux armes. Une époque sanguinaire inouïe est arrivée pour l’Europe et le monde. Devant Dieu et devant l’Histoire, je jure que ma conscience est nette : je n’ai pas voulu la guerre. » Laissons donc