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le colonel. Entre cette pièce démodée, rude et primitive aboyeuse de mitraille, et l’élégance de notre 75, dont le Creusot expose, aux Manufactures, le dernier modèle à l’usage des nations étrangères, la défense militaire a perfectionné ses moyens ; mais les soldats de Joffre ont, comme ceux de La Fayette et de Rochambeau, dans les plis de leur drapeau, — astres ou couleur, étoiles ou ciel, — des reflets d’Idéal. Même lorsqu’elle lutte pour la reconstruction de son intégrité territoriale, la France tire l’épée pour d’autres que pour elle. Son « soixante-quinze » est, à San Francisco, au pied d’un pylône où se lisent les mots : Pax. Jus. Labor. Combattant pour la Justice et pour l’Humanité, pour le respect du Droit et pour la Liberté des peuples, son génie peut, sans rien abdiquer du devoir présent, rejoindre la pensée américaine. Unies par tant de souvenirs communs, les deux républiques le sont aujourd’hui, plus que jamais, par leur dévouement aux principes d’honneur, de morale internationale et d’altruisme d’Etat à Etat, qu’un orgueilleux défi n’aura pu qu’outrager, sans l’ébranler. Dans la petite médaille où le jeune maître Ovide Yencesse commente la parole de Michelet « au XXe siècle, la France déclarera la paix au monde, » s’affirme, à l’Exposition, le même vœu de bonheur universel, généreusement ouvert à tous les peuples, que dans la Tour des Joyaux. Mais la neutralité des Etats-Unis le sert par les négociations et le promet par la richesse, tandis que la France attaquée, obligée de se défendre, le cherche par les armes, dans l’épreuve, et, comme la mère antique, ne veut d’autre parure, d’autres « joyaux, » que l’héroïsme de ses enfans, libérateur du monde.


A. DE LAPRADELLE.