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et couronne avec tant de soudaine brutalité une carrière si brillante, n’en a que plus de retentissement. Dans le recul de l’Histoire, elle va revêtir peu à peu un caractère émouvant, quasi shakspearien.

À ce titre, et bien que la période que clôt cet événement ait été déjà l’objet d’études partielles, elle mérite qu’on y regarde de plus près et qu’on la reconstitue dans son ensemble et dans ses grandes lignes, ne serait-ce que pour en rappeler les circonstances à ceux qui, au bout d’un quart de siècle, peuvent les avoir oubliées ou pour l’instruction de ceux qui, n’étant pas nés ou étant encore enfans lorsqu’elles se déroulèrent, les ont ignorées.

Tel est l’objet des pages qui suivent.

Elles se recommandent, à défaut de mieux, du souci de vérité dont l’auteur n’a pas cessé d’être animé en les écrivant et de l’utilisation de documens diplomatiques, de notes et de Souvenirs qu’il doit à des communications bienveillantes et qui aux détails déjà connus en ajoutent d’autres qui les éclairent en même temps qu’ils nous ouvrent l’âme des personnages, qui ont évolué sur le théâtre du drame au dénouement duquel nous assistons aujourd’hui.


LA CRISE DE 1887
I

Le 24 octobre 1886, M. Jules Herbette, que le ministère Freycinet venait de nommer ambassadeur de France à Berlin, était reçu officiellement par l’empereur d’Allemagne et lui présentait ses lettres de créance. En répondant à son discours, Guillaume Ier lui disait : « Vous avez exprimé ma pensée en disant que l’Allemagne et la France ont de nombreux intérêts communs et qu’elles pourraient y trouver un terrain d’entente profitable aux deux nations voisines. » Ce langage était de nature à produire et produisit en effet la plus heureuse impression par toute l’Europe. En témoignant de la volonté du souverain de ne pas laisser porter atteinte à la paix, il confirmait d’autres propos qu’il avait tenus précédemment, desquels il résultait qu’il se sentait trop vieux pour recommencer la guerre et qu’il ne s’y laisserait pas entraîner.

On se les expliquera sans peine et l’on ne doutera pas de sa