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C’est justement l’exemple de l’Egypte et des inconvéniens produits dans ce pays par les privilèges dont jouissent les étrangers qui a inspiré au gouvernement soudanais la méfiance qu’il manifeste aux émigrans. A tort ou à raison, ceux-ci se sont plaints parfois de la partialité des autorités, trop dominées, disent-ils, par le souci d’ailleurs louable de protéger les indigènes. Quoi qu’il en soit, le Soudan égyptien est, à notre connaissance, la seule colonie où aucun consul n’est accrédité.

Vraisemblablement, cette période de régime militaire est transitoire, et l’on peut d’ores et déjà envisager le moment où le pays sera doté d’une administration civile et d’une législation moins rudimentaire.

« Somme toute, écrivions-nous, il y a deux ou trois ans[1], ce qui a été réalisé en dépit des obstacles et des difficultés dans les immenses régions du bassin supérieur du Nil est remarquable autant par ce qui est déjà acquis que par ce qu’il est permis d’attendre. Il reste évidemment beaucoup à faire, et l’on ne saurait raisonnablement espérer que la transformation si rapide dont ce pays a bénéficié dans une période si courte va se poursuivre avec la même vitesse et la même continuité. Le progrès sera sans doute comparativement lent. » Depuis que ces lignes ont été écrites, les chemins de fer se sont allongés de plusieurs centaines de kilomètres, de grands projets d’irrigation et de culture cotonnière ont été adoptés, et les ressources financières nécessaires à leur exécution obtenues. On peut donc espérer que l’œuvre de transformation va se poursuivre presque aussi rapidement que durant les quinze premières années. Cependant la nature providentielle comble chaque jour les vides creusés par la barbarie des fanatiques dont le règne éphémère a dépeuplé le pays. Suivant les rapports du gouverneur général, le nombre des habitans se serait élevé de 1 875 000 en 1899 à trois millions en 1911. Les enfans qui pullulent joyeusement dans toutes les maisons ne demandent qu’à vivre d’une vie meilleure que celle de leurs parens. En même temps qu’eux grandira la civilisation implantée au milieu de leurs berceaux.


PIERRE ARMINJON.

  1. Bulletin de la Colonisation comparée, mars 1912.