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Infime société secrète vers 1848, puis, à la fin de sa première phase, de 1864 à 1873, composée de cadres sans troupes nombreuses et sans finances, elle compte aujourd’hui, dans ses diverses sections de Yokohama à San Francisco, de Buenos Ayres à Petrograd, plus de trois millions de membres affiliés, disposant de près de neuf millions d’électeurs et de quatre cents députés dans les divers Parlemens. Aux partis politiques se rattachent des syndicats riches et puissans dont la fédération internationale englobe cinq millions de membres. Les Allemands apportent à l’Internationale le plus fort contingent : la socialdémocratie a longtemps fourni à ses filiales, dans les autres pays, des subsides, des formules, une direction, une tactique. Tant qu’il a vécu, Marx eût pu dire : « l’Internationale, c’est moi ! »

Karl Marx a prétendu substituer au socialisme idéaliste et humanitaire des Français de 1848, un socialisme scientifique et réaliste fondé sur l’observation des faits. D’après sa Conception matérialiste de l’histoire, que l’on pourrait définir une sorte de Darwinisme appliqué aux sociétés humaines, tout le drame de l’histoire se concentre dans une lutte incessante, tantôt ouverte et tantôt cachée, entre possédans et non-possédans, oppresseurs et opprimés, pour la conquête des biens matériels et de leurs moyens de production. Si les formes de cette lutte varient, le but reste le même : Eadem sed aliter.

La société contemporaine, industrielle et capitaliste, née de la découverte de la vapeur, crée le sentiment international chez les prolétaires déracinés, enrégimentés dans les vastes usines. Ils prennent conscience du prétendu appauvrissement et de l’espèce de servage auxquels les condamne la concentration capitaliste, sous tous les régimes, monarchistes ou républicains. La communauté de leurs intérêts de classe, toujours en souffrance, les unit et les enchaîne comme un anneau de fer, en face d’un ennemi commun, la bourgeoisie capitaliste, conçue elle aussi comme un bloc. Contre elle, dans tous les pays, sous toutes les latitudes, la classe prolétarienne doit lutter sans relâche, jusqu’à ce qu’elle puisse substituer la propriété collective à la propriété privée, source de toutes les inégalités, de toutes les guerres, de tous les maux qui affligent les sociétés.

« Prolétaires de tous les pays, unissez-vous par-dessus les frontières dans une grande alliance fraternelle, combattez vos