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cette poussée de la barbarie sera la dernière. » Après avoir réclamé une amnistie pour les délits politiques, revendiqué une politique libérale vis-à-vis de la Pologne, de la Finlande, protesté contre toute guerre d’expansion, les socialdémocrates quittaient la salle des séances au moment du vote. En octobre, ils refuseront les crédits pour la continuation de la guerre. Vainement Vandervelde leur enverra une lettre pressante, leur expliquera le caractère véritable de la lutte où se joue l’avenir de la démocratie et des libertés de l’Europe. Ils refuseront tout appui au gouvernement, se plaindront des rigueurs de l’état de siège et demanderont la réunion d’une convention[1].

Divisé en nationaux et internationaux, le parti socialiste russe est d’ailleurs désorganisé, impuissant. En Russie, la classe ouvrière touche de bien plus près aux paysans que partout ailleurs. Ceux-ci ont foi en leur tsar, protecteur des Slaves opprimés par l’Autriche.

A l’exemple des Russes, les deux députés socialistes serbes à la Skoupschtina, malgré le guet-apens autrichien, persévéraient dans leur opposition, tandis que nous avons vu les socialistes tchèques se séparer de leurs camarades autrichiens et épouser la cause des frères serbes. Le député Laptschewitsch reprochait au gouvernement de Belgrade d’avoir brisé l’alliance balkanique, d’avoir toléré les Comités secrets qui ont conduit à la guerre et fait de la Serbie un tremplin pour la Russie et pour la France. Ils ne refusaient pas les crédits nécessaires à la défense du pays, mais étaient opposés à l’adresse de confiance au roi et à ses ministres.

Ainsi, tandis qu’à la veille des hostilités toutes les sections de l’Internationale étaient unanimes contre la guerre, nous trouvons les mêmes sections dans les Parlemens, à peu d’exceptions près, votant les subsides militaires. L’unité d’action s’est reproduite en sens inverse. Les deux camps affirmaient qu’il s’agissait d’une guerre défensive. Nul n’était l’agresseur. Il n’y avait d’opposition que chez les pacifistes à outrance de l’Independent Labour party et les quelques députés russes et serbes.

Ceux-là, se demande Bernstein[2], étaient-ils donc plus

  1. Cinq des membres de la Douma ont été arrêtés à Pétrograd le 5 novembre, sous l’inculpation de complot contre la sûreté de l’État et exilés en Sibérie.
  2. Die Internationale der Arbeiterklasse. und der europæisclie Krieg. Tubingen, 1915.