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Page:Revue des Deux Mondes - 1915 - tome 29.djvu/554

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voilant sa servitude sous le nom de défense nationale. Les socialistes veulent une paix rapide et sans conquête, qui mette fin à la guerre dévastatrice.

Traité par les journaux de la droite socialiste de « froid doctrinaire, » Liebknecht était blâmé par ses collègues à une forte majorité. À cette même séance, en un frappant contraste, une grande couronne mortuaire occupait la place vide du docteur Frank, l’un des chefs socialistes les plus respectés, exalté nationaliste, engagé volontaire, malgré son âge, et tombé à Baccarat. Un ministre de Bade était allé en personne offrir ses condoléances au journal socialdémocrate du grand-duché.

Les députés de la fraction, le 20 mars, sanctionnaient de leurs voix, pour la première fois, le budget de l’Empire, refusé jadis régulièrement, selon la règle impérative du parti, parce qu’il contenait les crédits militaires, accepté cette fois pour la même raison. Pour la première fois également, une protestation s’élevait des bancs de la minorité contre la façon de conduire la guerre. Ledebour, qui avait donné sa démission de membre du comité directeur, s’élevait contre le général Hindenburg donnant l’ordre de brûler trois villages russes pour un village allemand dévasté. Liebknecht s’écriait au milieu du tumulte : « C’est de la barbarie ! » Ledebour qualifiait d’odieuses les mesures concernant l’emploi obligatoire de la langue allemande dans la vie civile, en Alsace-Lorraine et en Schleswig. Mais si Ledebour tenait ce langage, c’est qu’il jugeait d’une détestable politique de s’aliéner ainsi des populations définitivement incorporées à l’Allemagne. Car la question d’Alsace-Lorraine a toujours été envisagée dans le parti socialdémocrate, depuis 1871, comme une affaire qui ne concerne que les Allemands. En 1913, le Congrès d’Iéna demandait qu’une constitution républicaine soit octroyée aux Alsaciens-Lorrains, mais dans le cadre de l’Empire. Bernstein se déclarait partisan d’un plébiscite, persuadé qu’il serait favorable à l’Allemagne, tant la majorité des Alsaciens-Lorrains était acquise à la culture allemande. La mise hors du parti de Georges Weill, député socialiste de Metz, en janvier, coupable de s’être engagé dans l’armée française, n’est pas moins probante que la conduite du député de Mulhouse, Emmel, rival des héros de Saverne, lorsqu’il dénonçait dans la Mülhaüser