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des millénaires évanouis se sera évaporée dans l’atmosphère, il faudra que l’homme s’adresse, comme le faisaient le monde antique et le Moyen Age, à des sources d’énergie différentes : sources anciennes ou sources nouvelles révélées par sa physique et sa chimie ; il faudra que son outillage se transforme ; après s’être concentrés démesurément, il faudra que ses ateliers se déplacent et se dispersent. Alors les pays industriels seront sans doute ceux qui pourront utiliser plus directement l’activité présente du soleil par le mouvement des eaux courantes, par la chaleur équatoriale, par les forces radio-actives essaimées en d’invisibles rayons dans l’espace. Longtemps avant ce délai fatal, mais encore bien lointain, une évolution analogue, à laquelle il faudra bientôt songer, ruinera l’un après l’autre les pays européens dont s’épuiseront les champs houillers. A notre époque, un pays ne peut pas plus vivre sans houille qu’un corps vivant ne peut se passer de sang.

Ce pouvoir fécondant de la houille dans la forme provisoire de notre civilisation est connu de tous, et l’on me reprochera peut-être de l’avoir célébré avec moins de nouveauté que d’emphase ; mais il est des momens où certaines banalités sont bonnes à redire. Je voudrais, après bien d’autres, essayer d’analyser cette force qui n’a plus rien de mystérieux, en rappeler brièvement l’évolution historique, d’abord d’une façon générale, puis sur quelques exemples particuliers. C’est une analyse nécessaire pour mettre en évidence toute la portée du phénomène. Mon but est de faire ensuite l’application de ces lois économiques à notre pays qui manque et manquera de plus en plus de charbon, comme il manque d’hommes, tandis que nos ennemis en regorgent. Hier déjà, nous ne produisions pas les deux tiers de notre consommation ; c’est la moitié à peine de ce qu’il nous faudrait pour devenir, comme nous le pourrions, comme le développement de nos côtes, comme l’habileté de nos marins, comme notre richesse en minerais de fer nous le permettraient, résolument exportateurs. En comparaison, l’Allemagne, qui avait depuis longtemps à cet égard une richesse surabondante, l’a encore doublée dans les vingt dernières années par d’heureuses découvertes géologiques sans contrepartie chez nous. Il n’y a pas de culture ou de Kultur capable de tenir devant une telle infériorité. Mais, dans la terrible guerre imposée à notre pacifisme, nous pouvons rencontrer