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vers un sort immortel. » Victor-Emmanuel II, Mazzini, Garibaldi : cette trinité hardiment rapprochée par le Roi, c’était le symbole du Risorgimento qui réapparaissait, c’était la quatrième guerre de sa libération et de son extension nationale promise à l’Italie. Il était impossible de s’y tromper. Aussi un grand journal de Milan, favorable à l’intervention, définissait la situation en imprimant cette simple ligne : « Quarto ne marque pas une fin, mais un commencement. »

Personne ne l’avait mieux compris que le prince de Bülow. Renseigné jour par jour sur la marche des négociations de M. Sonnino, il avait vu s’évanouir l’une après l’autre ses espérances. Il avait brûlé ses dernières cartouches dans une audience du Quirinal où, peut-être, — ce point n’est pas encore éclairci, — il avait apporté au Roi une lettre autographe de Guillaume II, suprême adjuration d’un ancien allié. M. de Bülow, à partir de ce moment-là, ne pouvait plus se faire d’illusions : sa mission avait échoué. Avec son expérience des choses et des hommes, il est douteux qu’il ait trouvé de fortes raisons d’espérer dans l’incident même qui était sur le point de survenir et qui semblait pouvoir tout remettre en question. Et s’il n’a pas voulu quitter la partie sans avoir tenté jusqu’au bout la fortune, bien des mots qu’on rapporte de lui laisseraient conclure qu’il ne croyait plus au succès.

Pourtant, ce n’était pas un effort négligeable que tentaient les derniers partisans de la neutralité, au lendemain de Quarto. Le jour où M. Giolitti quitta sa villa de Cavour pour se rendre à Rome, — c’était le 7 mai, — toute l’opinion publique italienne, avec son sens si aigu de la politique, comprit qu’une péripétie décisive allait s’accomplir.

Loin du pouvoir, d’où il s’était, quelques mois avant la guerre, retiré volontairement, M. Giolitti passait pour être resté la personnalité la plus influente de toute l’Italie. L’homme d’Etat qui avait engagé la campagne de Tripolilaine, donné à son pays le suffrage universel, régné sur le Parlement où sa main puissante avait fondu les partis et laissé survivre une seule majorité, la majorité giolittienne, — cet homme d’Etat pouvait-il parler sans qu’il fût plus que probable qu’il serait entendu ? Pouvait-il montrer le désir de reprendre le pouvoir sans que le pouvoir dût immédiatement lui être remis ? Est-ce qu’il n’avait pas, en somme, délégué le gouvernement à