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Victor-Emmanuel III une solution honorable du conflit, un apaisement dont plus d’un parlementaire sent aujourd’hui le prix. L’Italie lui doit la décision qui ouvre tout l’avenir à la nation italienne, l’oriente vers ses plus grandes destinées. Le Roi a repris les traditions de sa maison. Il a été ce qu’on attendait de lui : un Savoie. Pour le pays, il a été le guide, le chef, le roi, et, dans le sens le plus romain du mot, le dictateur. Son prestige personnel est désormais immense. La dynastie n’aura jamais été plus forte, mieux assise, plus populaire dans la péninsule. Et, de nouveau, imitant l’exemple de Mazzini et de Garibaldi, des républicains patriotes se sont, par raison d’intérêt national, ralliés à la monarchie.

Un homme politique italien d’une grande expérience, qui a occupé de hautes charges dans son pays, nous disait avoir remarqué que nulle part, en Italie, on n’avait poussé le cri de : « Vive la guerre ! » aussi longtemps que le gouvernement ne s’était pas prononcé. La guerre était dans les vœux de la nation. Mais, comme l’armée elle-même, la nation attendait le mot d’ordre royal, le commandement du chef suprême. Ce que traduisaient avant tout les manifestations populaires, c’était la fierté nationale blessée par l’intervention allemande, c’était l’indignation causée par le sentiment insupportable que des influences étrangères tentaient de peser sur la politique de l’Italie. Les observateurs ont été frappés, en effet, par la force avec laquelle, pendant ces journées d’émotion, l’idée de trahison s’était emparée de l’esprit public. Il faudra se souvenir qu’on disait à Rome, en mai 1915, « Bülow et Macchio, » à peu près comme on disait « Pitt et Cobourg » à Paris en 1793. Voici, d’ailleurs, un trait qui’ s’ajoutera à ceux que nous avons déjà cités : on a pu voir, dans la grave journée du 15 mai, les employés des ministères manifester, en corps, en faveur de M. Salandra. Que des fonctionnaires n’aient pas craint de faire éclater leurs sentimens et de se compromettre (jusqu’à maltraiter matériellement certains hommes politiques), ce serait, dans tous les pays du monde, un très grand symptôme. C’est un des signes de l’émotion profonde que la parole de Victor-Emmanuel III est venue soulager.


Le peuple italien n’est pas médiocrement fier de l’énergie