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Cependant, les lettres qu’ils reçoivent de chez eux trahissent chez ceux qui les ont écrites une confiance beaucoup moins grande que dans les premiers mois. Les signes de découragement, et de lassitude se multiplient. Les femmes surtout se plaignent amèrement de la longueur de la guerre, de la cherté des vivres, etc.


10 février. — Nous allons ce matin à Vienne-le-Château, puis à la Harazée. Comme nous y étions vers neuf heures et demie, une attaque très violente se produit sur le saillant de Marie-Thérèse. L’ennemi fait sauter à la mine une partie de nos tranchées et précipite aussitôt dans la brèche des forces considérables. Les premiers rangs sont formés comme toujours d’hommes armés de grenades et de bombes. Derrière eux s’avancent de grosses masses. Les Allemands parviennent à occuper une partie de notre ligne. Notre bataillon de réserve, qui intervient immédiatement, les contre-attaque et arrête net leur avance. D’autres contre-attaques sont exécutées dans la journée et reprennent une partie du terrain perdu.

La mêlée, cette fois encore, a été terrible. Les Allemands, qui pour la plupart avaient été enivrés, ont massacré les prisonniers. De ce fait les témoignages abondent, des témoignages irréfutables. Un officier, un adjudant et deux soldats ont affirmé sous serment la chose suivante : ils ont vu deux des nôtres entourés d’un groupe d’Allemands qui les ont d’abord désarmés. Un moment après, ces hommes ont été abattus à coups de revolver.


11 février. — Après la prise d’une mitrailleuse allemande, l’autre jour, le général commandant la division offrit aux Chasseurs du xe bataillon la somme de deux cents francs, la prime habituelle accordée par le Grand Quartier Général. Or, l’un des chasseurs qui avait pris la mitrailleuse lui répondit ; « Merci, mon général ! nous voulons bien nous faire casser la g… pour le pays, mais pas pour de l’argent ! »

Et il refusa la somme.

C’était un petit paysan de Lorraine pour qui deux cents francs représentaient une fortune.


12 février. — Il y a dans cette forêt d’Argonne des coins tout à fait délicieux : des vallées pleines de fraîcheur au fond