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d’avance ou de retard, un bruit entendue propos, un cordeau détonant audacieusement allumé résolvent dans un sens ou dans l’autre le dilemme doublement shakspearien qui sert aujourd’hui de devise à tous les sapeurs : sauter ou faire sauter, that is the question.

Quels sont les principaux explosifs brisans employés des deux côtés de la barricade à ces différens effets : c’est ce que je voudrais examiner brièvement, — en me gardant soigneusement d’effleurer tous les perfectionnemens encore inconnus de nos ennemis… sinon par leurs effets, que nous avons apportés depuis quelques mois dans ce domaine.


Au début de l’artillerie, aux temps idylliques et bucoliques où les batailles n’alignaient que quelques quarterons de soldats, et où le sort des empires ne se décidait que par la mort de quelques milliers d’hommes, — ce qui nous paraît bien ridicule aujourd’hui, — les boulets lancés par les canons étaient de grosses masses pleines ou creuses, mais qui n’agissaient que sur les objets situés exactement sur leur parcours. L’idée de faire éclater ces boulets en les remplissant de poudre, ne vint que bien après. Ce fut le temps des boîtes à mitraille, lesquelles faisaient déjà d’assez joli travail, puisqu’on rapporte qu’à la bataille de Kesseldorf, en 1742, chaque coup d’une batterie autrichienne mit hors de combat 70 hommes.

Pendant une grande partie du siècle passé, on a cherché à charger les projectiles creux lancés par les bouches à feu avec des explosifs brisans tels que la nitroglycérine, la dynamite (nous rappellerons dans un instant leur composition), et surtout le fulmicoton sec. Tous ces corps étaient des explosifs très brisans, parcourus dans un temps très court par l’onde explosive et fournissant instantanément toute leur puissance. Malheureusement tous ces corps donnèrent lieu à de nombreux déboires à cause de leur sensibilité au choc, qui produisait des éclatemens prématurés. Le choc produit au moment du départ du projectile suffisait souvent à amorcer la charge portée par lui, et à le faire éclater dans l’âme du canon, détruisant celui-ci et tuant les servans. Pendant longtemps, la poudre noire seule présenta des garanties suffisantes pour le chargement des projectiles. Mais elle est, comme nous l’avons vu, un explosif fusant et non percutant : elle brûle et ne détone pas.

Pour augmenter l’efficacité des projectiles, il fallait trouver le moyen de les charger d’un explosif brisant assez peu sensible pour