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que le choc du départ ne le fasse pas exploser et qui pourtant détone à son arrivée au but. On croyait alors, (et on le crut jusqu’aux travaux de M. Turpin), que le pouvoir brisant d’un explosif est essentiellement lié à sa sensibilité au choc. On tenta donc de diverses manières de tourner la difficulté, et sans grand succès d’ailleurs : On essaya par exemple de mettre dans l’intérieur de l’obus des petites fioles de verre renfermant l’une de l’acide nitrique fumant, l’autre un combustible liquide. Le choc produit au départ du projectile brisait ces fioles, les liquides se mélangeaient alors par suite de la rotation de celui-ci (produite comme on sait par les rainures du canon) en formant l’explosif qui éclatait au moment du choc contre le but. On a essayé aussi d’ajouter du camphre à la dynamite pour diminuer sa sensibilité, et diverses substances au fulmicoton. D’autre part, pour amortir le choc au départ, on diminua la vitesse initiale, on essaya aussi toutes sortes d’amortisseurs spéciaux ; on divisa la charge de poudre propulsive dans des boîtes formant une multitude de compartimens, etc.

En fait, tous ces essais ne donnèrent pas de résultats satisfaisans et ils furent d’ailleurs complètement éclipsés par la découverte de la mélinite.


Nous avons vu déjà pour quelles raisons, à la fois théoriques et pratiques, on est conduit à former la plupart des corps explosifs par la combinaison de l’acide nitrique avec les carbures d’hydrogène.

Parmi ceux-ci, il en est de particulièrement intéressans qui dérivent de la distillation du goudron de houille. Le goudron de houille, qui est lui-même un sous-produit des usines à gaz et des fabriques de coke métallurgique, donne lorsqu’on le distille systématiquement une série d’huiles légères dont on extrait finalement divers hydrocarbures et notamment le phénol. En traitant le phénol par l’acide nitrique on obtient le trinitrophénol ou acide picrique. Celui-ci est un solide qui se présente en cristaux jaunes, amers, solubles dans l’eau, fondant à environ 125°. La solution aqueuse de ce corps est employée couramment comme remède contre les brûlures, ce qui ne l’empêche pas, comme nous allons voir, d’être terriblement homicide lorsqu’on le verse sous forme de mélinite dans le ventre de nos obus. Il en est de cette substance comme du collodion, qui tantôt lorsqu’il entre dans la composition des poudres sert à blesser les hommes, et tantôt en chirurgie sert à guérir et fermer leurs blessures. Étrange dualité, qui