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Page:Revue des Deux Mondes - 1915 - tome 29.djvu/710

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certaines pages. L’une a pour texte les fameuses strophes de Victor Hugo : « Ceux qui pieusement sont morts pour la patrie. » Ce n’est pas la meilleure, malgré l’émotion qu’on éprouve à l’entendre chanter par M. Delmas derrière un cercueil drapé des trois couleurs. Et pourquoi, sur la feuille de couverture, avoir ainsi changé le titre, et le premier vers, qui cesse alors d’en être un : « A ceux qui glorieusement sont morts pour la patrie. » Aurait-on craint la piété de l’adverbe original ? Non, paraît-il. On nous a seulement affirmé qu’à la vitrine et pour la vente, « glorieusement » faisait mieux. Alors !…

En quelques-uns de ces chants patriotiques, nos chants nationaux, Marseillaise et Chant du Départ, ont naturellement leur place et leur rôle. Rappelés et fondus à propos, l’un et l’autre donnent une fière allure à certain pas de charge de M. Leroux encore : « En avant ! » (paroles de Paul Déroulède). Le cri n’est pas facile à lancer, d’un élan qui soit à la fois musical et dramatique. Chaque fois qu’il revient (et combien de fois ! ) M. Leroux a su le bien jeter, sur un rythme accéléré, sur d’éclatantes sonneries, sur de rudes et riches accords.

Dans la Lettre de Jean-Pierre (poésie de M. Jean Richepin), vous trouverez un exemplaire fort aimable, spirituel et sentimental avec goût (genre Botrel), de correspondance militaire :


Payse, j’ vous écris sans plume,
Sur un nuag’ qui passe au vent.
Il vous dira z en arrivant
Que j’ pense à vous comm’ de coutume.
Ran ! plan ! plan ! les gars en avant !
J’ m’appell’ Jean-Pierre et j’suis vivant.


Ainsi de suite, un peu longtemps peut-être, en des couplets relatant chacun un épisode de guerre. J’avoue mon faible pour le dernier vers et pour sa façon de réunir, en deux affirmations qui d’ailleurs n’ont rien de contradictoire, la signature et les nouvelles de la santé du signataire. Et puis les deux thèmes, celui des couplets et celui du refrain, l’un mineur et mélancolique, l’autre majeur et martial, s’enchaînent et s’opposent bien, le second venant à point relever le premier et faire oublier, par un certificat de vie, les récits de bataille et de péril de mort.

Alsace enfin, par l’idée et par la forme poétique, par le style de la mélodie, par la distinction constante et la profonde expression des accords arpégés qui l’accompagnent et l’enveloppent, par le sombre et pathétique éclat d’une péroraison imprévue, Alsace est une très noble, très émouvante élégie. De tels accens honorent M. Xavier