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Page:Revue des Deux Mondes - 1915 - tome 29.djvu/782

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propos le mot d’ « empire Halo-hellénique. » Mais bien vite il revient à ses sarcasmes habituels contre les Grecs abâtardis, favoris ou valets des grands seigneurs romains, dont se prolonge la « liste répugnante. » Somme toute, la Grèce a fait à Rome plus de mal que de bien, et elle lui en aurait fait bien plus encore si l’âme latine n’avait été pourvue d’une solide vigueur, irréductible à toutes les perversions amollissantes.

Les Romains, voilà enfin le peuple selon le cœur de Mommsen, le peuple fort et fier. Ou, pour mieux dire, il y a suivant lui deux dons éminens, le génie artistique et le génie politique, celui-ci encore plus précieux que celui-là. Les Grecs ont eu le premier, les Romains le second ; les Germains possèdent et posséderont de plus en plus l’un et l’autre ; les Français ne connaissent ni l’un ni l’autre. Attachons-nous donc à l’histoire de Rome : nous y verrons ce que Mommsen attend d’un peuple d’élite, l’idéal qu’il propose à ses concitoyens, et qui d’ailleurs concorde à merveille avec leurs tendances les plus profondes.


III

Avant tout, un peuple supérieur doit se ramasser, se concentrer en lui-même. L’unité est sa première vertu. Les Phéniciens, si remarquables par leur sentiment de race et leur amour de la patrie, ne savent pas s’agglomérer en un seul État, et c’est pour cela qu’ils sont voués à disparaître. Tout au plus Carthage fait-elle exception, en essayant de condenser dans « la virile unité de sa puissance » toutes les énergies défensives de la famille phénicienne. Les Etrusques, les Samnites, les Gaulois, tombent également victimes de leur manque de cohésion. Rome, au contraire, dès les premiers temps de son progrès, doit son triomphe à la fusion parfaite de plusieurs cités médiocres en une seule plus grande. Ce n’est pas, dit Mommsen, une pensée qui lui appartient en propre, et il cite l’exemple d’Athènes en Attique, les efforts des Ioniens en Asie Mineure au temps de Thaïes. « Mais Rome poursuivit l’idée de l’unité avec une persistance, une logique et un bonheur qu’on ne retrouve nulle part. » Remarquons bien, pour que cette apologie de l’unification prenne tout son sens, que Mommsen n’y voit pas seulement un moyen de faire régner entre les divers cantons ou les diverses tribus l’ordre et la paix, mais aussi, mais surtout,