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Page:Revue des Deux Mondes - 1915 - tome 29.djvu/927

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REVUES DRAMATIQUE

LE THÉÂTRE INDÉSIRABLE

J’appelle ainsi le théâtre que nous désirent nos pires ennemis, celui qu’ils se sont efforcés par tous les moyens de cultiver chez nous et qui doit disparaître de la scène française, balayé par la guerre et par son grand souffle purificateur. Qu’un tel théâtre se soit développé en des proportions singulières, c’est un fait dont quelques-uns se sont alarmés, auquel beaucoup ont assisté avec insouciance, mais que nul n’a contesté. Bien entendu, il ne s’agit pas de faire à l’ensemble de notre production dramatique, telle qu’elle se présentait à la veille de la guerre, un procès de tendances, et c’est une idée qui ne peut venir à l’esprit de personne. Mais, à côté d’œuvres fortes ou légères, qui sont l’honneur ou la grâce de notre scène, et qui, en ces dernières années, ne lui ont pas fait défaut, nous en avons eu d’autres qui ont brillamment réussi et dont chaque succès était un échec pour le pays. Un théâtre qui abaisse le niveau moral d’un peuple en flattant ses instincts les moins nobles et le discrédite en colportant sa caricature, sous prétexte dépeindre ses mœurs, aurait dû crouler sous les sifflets. Mais on ne sifflait plus, au théâtre ni ailleurs ; et, au théâtre comme ailleurs, notre longanimité était sans limites. Une cruelle expérience nous en a révélé le danger. Elle nous a fait apercevoir, dans une illumination soudaine, sous quelles formes multiples se poursuivait chez nous une œuvre de désorganisation dont bénéficiait l’étranger. Dans cette vaste entreprise, le théâtre indésirable faisait sa partie. C’est pourquoi, estimant avec beaucoup de Français qu’il importe de prendre dès maintenant nos