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ils en seraient un jour prochain la victime. Le discours de M. Venizelos exprimait déjà toute sa pensée : néanmoins il a passé et, par la bouche de M. Gounaris, le Roi y a donné son adhésion.

Ce bel accord ne devait pas durer, il était plus apparent que réel. Depuis le retour de M. Venizelos au pouvoir, les hostilités contre lui n’avaient pas désarmé et la majorité dont il disposait à la Chambre n’était pas pour lui, comme on n’a pas tardé à le voir, une garantie suffisante de stabilité. Les événemens marchaient, la Quadruple-Entente avait rompu avec Sofia, on annonçait l’arrivée prochaine d’une armée austro-allemande sur le Danube, la guerre devenait imminente. Quelle devait être l’attitude de la Grèce ? Pouvait-elle, devait-elle rester dans la neutralité armée lorsque la Bulgarie en sortait et, au surplus, n’avait-elle pas un traité d’alliance avec la Serbie ? Nous avons dit un mot de ce traité dans notre dernière chronique ; bien que le texte n’en ait pas été publié, le sens en est connu ; il impose une obligation formelle à la Grèce dans le cas où la Serbie serait attaquée. Mais attaquée par qui ? C’est ici que des exégètes ingénieux sont survenus et ont déployé, dans toute sa subtilité, l’art byzantin d’interpréter les textes. Ils ont tourné et retourné en tous sens celui du traité et en ont donné des interprétations diverses qui ne méritent pas toutes d’être rapportées ici, mais dont la principale est la suivante : — Le traité a été fait en vue d’une guerre à laquelle des élémens balkaniques seraient seuls à prendre part. Si donc la Serbie est attaquée par la Bulgarie seule, il n’est pas douteux que la Grèce doive voler à son secours, et elle ne manquera pas à ce devoir. Mais si, à côté de la Bulgarie, il y a l’Autriche et l’Allemagne, et on pourrait par hypothèse y concevoir la présence d’autres Puissances encore, soutenir que la Grèce est tenue de se mettre du côté de la Serbie est dire qu’elle s’est condamnée aveuglément à un suicide. Aussi le traité n’a-t-il pas un sens aussi étendu. La Grèce est alliée de la Serbie contre une autre Puissance balkanique : rien de moins, mais rien de plus. — Telle est la thèse que soutiennent d’adroits commentateurs. Ce n’est pas celle de M. Venizelos. Interrogé sur la politique générale du gouvernement : — Je considère, a-t-il dit, les obligations de l’alliance avec la Serbie comme toujours valables et je les respecterai tant que j’aurai l’honneur et la charge de gouverner le pays… Suivant le traité, les deux nations doivent se défendre mutuellement contre toute attaque d’un tiers. La violation du traité d’alliance serait un acte déshonorant. D’ailleurs, pour sa propre sauvegarde, la Grèce est tenue de respecter ses engagemens. Et si la