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tance hostile, comme ayant transporté en plusieurs voyages de nombreux sujets allemands ou austro-hongrois qui, habitant l’Espagne, rejoignaient leurs drapeaux. La décision qui valide cette saisie a résolu deux questions. D’une part, elle porte que la visite immédiate du navire confisqué ayant été empêchée par l’état de la mer, il avait pu correctement être conduit dans un port français pour qu’il y fût procédé à cette opération. D’autre part, elle admet que les passagers de ce navire devaient être regardés comme « incorporés » au sens de l’article 45 de la déclaration de Londres. Le rapport qui précède cette déclaration n’aurait pas conduit à cette conclusion. Mais la déclaration n’a pas par elle-même force exécutoire, n’ayant point été ratifiée par les Puissances intéressées. Son texte a simplement été mis en vigueur par le décret du 25 août 1914, acte unilatéral du gouvernement français. Dès lors, l’interprétation de ce texte ne doit pas être cherchée uniquement dans le rapport de la Conférence de Londres, mais il appartient au Conseil des prises lui-même de la donner, et il peut y tenir compte de toutes les circonstances de fait.

C’est également la considération de ces circonstances qui l’a conduit à résoudre la question de la contrebande de guerre d’une façon plus simple peut-être que les textes n’auraient permis de le prévoir. La déclaration de Londres distinguait entre la contrebande absolue et la contrebande conditionnelle ; nous avons montré plus haut le sens de cette distinction et ses conséquences. En présence d’objets de contrebande simplement conditionnelle, l’État capteur devait prouver, pour obtenir la validation de la saisie, que ces objets étaient destinés aux forces armées ou aux administrations de l’État ennemi. La façon dont ce dernier a conduit la guerre s’est trouvée faciliter cette preuve. Maintes fois, dès le début des hostilités, les connaissemens de ces objets étaient en blanc, ou à ordre, ce qui rendait aisé d’en faire passer le bénéfice à une personne non dénommée. Des cargaisons de vivres se rendaient, par exemple, à Rotterdam, d’où la convention du Rhin du 17 octobre 1868 permettait de les expédier sans contrôle en Allemagne. En ces hypothèses, la destination de la marchandise était fort suspecte. Elle le devint encore davantage, quand le gouvernement allemand eut assumé la direction du ravitaillement de toute la population civile de l’Empire. À partir de ce moment, si un objet de contrebande