Page:Revue des Deux Mondes - 1915 - tome 30.djvu/118

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

conditionnelle naviguait vers un port allemand, ou vers un port d’où il pouvait très facilement passer en Allemagne, et si en outre, après capture, il ne faisait l’objet d’aucune réclamation de la part d’un destinataire, ces faits durent être interprétés comme des indices suffisans de « culpabilité, » quand on ne trouvait pas la preuve contraire dans les papiers de bord. La distinction entre contrebande conditionnelle et contrebande absolue perdait ainsi la valeur admise par les textes. Et pourtant, le respect du Conseil des prises pour le droit des neutres est tel, qu’en des circonstances de cet ordre il a admis des solutions qui leur sont bien favorables. Dans l’affaire du vapeur hollandais Nieuw Amsterdam, la capture avait eu lieu, il est vrai, le 2 septembre 1914, mais à la date de la décision, le 19 février 1915, l’état de fait indiqué à l’instant existait pleinement. Le Conseil des prises a néanmoins admis la libération d’une cargaison de farine et de fourrages, en retenant l’offre de son propriétaire de faire contrôler par le consul de France à Amsterdam la distribution en Hollande de son contenu, si difficile à réaliser qu’un pareil contrôle pût paraître.

Le Conseil a encore plus d’une fois montré son libéralisme, en accordant la restitution au propriétaire d’objets de contrebande conditionnelle, ou une indemnité, s’ils avaient été vendus, dans des cas où ce propriétaire avait pu ignorer le caractère de ces objets. C’est ce qui a eu lieu notamment pour le vapeur roumain Jiul, pour le vapeur hollandais Insulinde, pour le vapeur italien Apollonia. Il l’a prouvé encore, dans une hypothèse où il avait à statuer sur la demande d’une compagnie de navigation. Celle-ci avait transporté, sur le vapeur hollandais Fortuna, des marchandises qui furent confisquées ; elle réclamait à l’État français le fret convenu pour ces marchandises ; le Conseil a admis qu’elle était fondée à le faire, et l’a renvoyée devant le ministre de la Marine pour y établir qu’elle n’avait pas touché ce fret par ailleurs et justifier de son montant.

On voit par ces exemples, qui pourraient être multipliés, avec quels égards notre juridiction des prises a traité les neutres. Mais il est juste d’ajouter que, vis-à-vis de nos adversaires eux-mêmes, elle n’a pas oublié les devoirs créés par l’humanité. Quand elle a validé la prise d’un bâtiment ennemi et de sa cargaison, elle n’a pas manqué d’ajouter que les objets formant la propriété personnelle de l’équipage seraient laissés ou remis à