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lointaine ascendance maternelle : son aïeule, Mme de Montespan, avait pu lui transmettre, ainsi qu’à ses sœurs, quelque germe de la « folie des Mortemart, » folie aussi proverbiable que leur esprit.

« Et voilà ce qui a passé dans l’âme de ce pauvre Prince, » déplore Argenson son chancelier, un de ceux qui l’ont le mieux observé et, malgré tout, apprécié : « tout s’expliquera chez lui par la folie, et par une folie dévote et ennemie de la société. »

De sa mère, il avait hérité les traits et une timidité invincible qui contribua à lui donner une humeur mélancolique, un aspect farouche peu compatibles avec son rang. La timidité de la Duchesse d’Orléans était à ce point morbide qu’elle ne pouvait pas, dit Saint-Simon, supporter le regard du roi, son père, ni celui de Mme de Maintenon : « Elle ne leur répondoit jamais qu’en balbutiant. »

Mais, chez la mère comme chez le fils, cette disposition s’alliait à l’orgueil de la race et au sentiment très vif de ce qui leur était dû.

Dans ses crises les plus aiguës d’humilité chrétienne, alors qu’il dissimulait son cordon bleu sous des habits de pauvre, Louis d’Orléans ne souffrait pas qu’on manquât en si peu que ce fût aux honneurs dus à un premier prince du sang. C’était pour lui un patrimoine intangible, supporté impatiemment en ce qui le concernait, mais qu’il entendait transmettre intact à ses descendans. Cette hauteur dans l’humilité n’est pas le contraste le moins curieux présenté par ce caractère si complexe.

Le Duc d’Orléans eut son heure d’ambition, mais non pas l’heure fixée par le destin : l’occasion qu’il ne sut saisir ne se retrouva jamais plus. Il avait de la volonté et eût aimé gouverner les peuples ; se jugeant méconnu, il renonça à l’effort et alla s’ensevelir tout vif à Sainte-Geneviève, « ne pouvant soutenir davantage l’ingratitude des hommes. »

Dans sa cellule de moine, pendant plus de dix ans, le Prince écrivit d’innombrables ouvrages d’une stérile érudition religieuse et, probablement aussi, ces souvenirs d’enfance :


Souvenirs d’enfance de Louis, Duc d’Orléans

Je naquis le 4e aoust 1703. J’avois trois sœurs qui m’avoient précédé. Leur gouvernante fut la mienne, et l’on me donna