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longtemps fabriqué dans les armées au moyen de petites usines portatives où l’on utilisait la vieille réaction classique et familière à nos souvenirs d’écolier, de l’acide sulfurique sur le fer ou le zinc. Puis on se borna à transporter aux armées, comprimé dans des tubes d’acier, l’hydrogène préalablement produit dans des centres fixes. Mais il fallait des dizaines de puissans fourgons pour transporter les tubes d’hydrogène nécessaire au gonflement d’un seul dirigeable de moyenne dimension. On est revenu aujourd’hui, en France comme en Allemagne, à de petites usines portatives utilisant des réactions à grand rendement où entrent le carbure de calcium ou la soude et l’eau, ou le coke et le goudron, toutes matières premières que l’on a en abondance d’un côté comme de l’autre de la barricade.


En somme, de ce bref tableau de la situation des belligérans au point de vue de leurs métaux de guerre, nous pouvons conclure ceci : des dix métaux principaux et indispensables aux combattans que nous avons passés en revue, l’hydrogène mis à part, nos ennemis peuvent certainement en produire cinq en quantités suffisantes pour leurs besoins sans avoir recouru à l’importation, savoir : le fer, le manganèse, le chrome, le zinc et le plomb. Mais il est bien improbable qu’ils puissent extraire de leurs minerais indigènes le cuivre, l’aluminium, le nickel, l’étain et l’antimoine qui leur sont nécessaires.

Dans leur préparation si savamment faite de cette guerre, les Allemands ont certainement envisagé la question et ils ont dû accumuler des stocks des métaux qui pouvaient leur manquer ou de leurs minerais. Mais, d’autre part, il est certain qu’ils ont escompté une guerre courte et une victoire foudroyante. La question est donc de savoir à quels délais correspondaient leurs prévisions… et partant leurs provisions. Sur ce point nous sommes réduits aux conjectures. Pourtant la chasse au cuivre si âprement poursuivie par eux, et qui ne respecte même plus les tuyauteries de la salle de bain familiale, est l’indice certain d’une gêne actuelle ou prochaine. Réjouissons-nous-en, mais pas trop bruyamment, car les Allemands sont passés maîtres dans la chimie appliquée, et ils doivent pour l’heure utiliser toutes les ressources dès longtemps disciplinées et militarisées de leurs laboratoires, toutes les énergies de leurs professeurs à lunettes, à chercher des succédanés qui puissent se substituer aux élémens qui leur manquent.