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s’agissait d’élucider et parmi lesquels les plus importans étaient la restitution de la Bessarabie à laquelle s’opposait l’Autriche et les annexions en Asie qui avaient soulevé la protestation des Anglais. Dans l’arrangement conclu à Londres entre le comte Schouvaloff et lord Salisbury, ce point était resté en suspens. Le ministre anglais ne s’opposait pas absolument à nos annexions, mais celle du port de Batoum excitait l’opinion publique en Angleterre et il s’était réservé de traiter cette question à Berlin. Le moment en était venu et des difficultés, prétendues insurmontables, étaient élevées de divers côtés.

Quant à la rétrocession de la Bessarabie, Andrassy mettait son consentement au prix de notre acquiescement à l’extension de l’occupation autrichienne au-delà des limites de la Bosnie et de l’Herzégovine, et à l’annexion éventuelle de ces contrées à la monarchie des Habsbourg dans l’avenir.

Lorsque, le lendemain matin, je me présentai chez l’Empereur avec M. de Giers, je trouvai dans la chambre d’attente le général Obroutcheff, qui était occupé à étudier la carte de la Turquie et d’y faire des remarques à la suite des rapports reçus tant de Berlin (par télégraphe) que du général Todtleben qui commandait nos troupes devant Constantinople. L’Empereur me reçut d’abord seul, me témoigna une grande bienveillance et me dit qu’il allait dans quelques instans m’appeler pour mon Rapport avec les personnes qui devaient y assister. En sortant de chez Sa Majesté, je trouvai réunis, outre M. de Giers et le général Obroutcheff, le comte Adlerberg, ministre de la Maison et le général Milutine, ministre de la Guerre. Ce dernier me demanda avec empressement quelles étaient les nouvelles que j’apportais. Je lui répondis que j’allais tout à l’heure faire en sa présence mon rapport à l’Empereur sur les difficultés que rencontraient nos plénipotentiaires et sur les conditions qu’on leur posait, pour l’acceptation desquelles ils avaient besoin d’avoir des ordres précis de l’Empereur.

« Finissez, finissez, finissez à tout prix, me dit le ministre, nous ne pouvons pas faire la guerre et devons consentir à toutes les conditions. »

Une déclaration aussi décourageante m’impressionna vivement, et je me souvins de ce que m’avait raconté à ce sujet le comte Schouvaloff.

Lorsque nous fûmes appelés par l’Empereur, Sa Majesté