Page:Revue des Deux Mondes - 1915 - tome 30.djvu/37

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

JEUNE FILLE.

A peine ce petit bleu écrit, on m’annonce Perrette ; elle vient me dire qu’elle se marie samedi à midi, sans tambour ni trom- pette, entre quatre amis; je suis son témoin et cela me flatte. Elle voulait attendre d’abord et ne célébrer son mariage qu’après le fameux passage des Alpes en aéroplane que doit tenter Gavarrez en février; mais c’est trop loin; elle lui a juré de ne jamais l’empêcher d’accomplir une chose dangereuse; elle respectera toujours l’exaltant et beau métier de l’air qu’il a choisi. — Et, ajoute-t-elle, comme on ne sait jamais, en nous mariant maintenant, nous serons toujours heureux pendant quelques semaines, sans compter que papa est tellement agité et insupportable que l’on ne peut vraiment plus vivre avec lui... Je l’approuve, je l’embrasse, je lui confie mon « pneu » pour qu’elle le jette à la boite. Elle n’est pas partie depuis dix minutes que Victorienne m’apporte un mot de Robert qui se croise avec le mien, et qui dit à peu près les mêmes choses. « Il faut absolument que je vous parle, Juliette; chez vous, c’est impossible; chez moi aussi; donnez-moi un rendez-vous dans un jardin, dans un thé; où vous voudrez, arrangez cela; mais j’ai besoin d’avoir avec vous une entière et franche expli- cation que je voulais toujours vous demander plus tôt. Mais il faut, il est indispensable que nous ne soyons pas vus, ni surpris. Vous comprenez peut-être, hélas! déjà pourquoi. « Toujours votre grand ami. « Robert. » Allons! il a compris que j’ai compris, et cela va lui faciliter les choses.)

  • *

J’ai aimé le mariage de Perrette; et pourtant il avait aussi peu que possible l’air d’un mariage; elle portait un costume tailleur sous un grand manteau de fourrure; pas d’assistance; quelques fleurs et quelques lumières dans une toute petite cha- pelle; rien d’un mariage de fille riche. J’ai aimé ça. Son mari, charmant et fort, de visage si franc et si hardi, de noble allure, me plaît infiniment dans sa jeunesse brave et vigoureuse. Elle saura le comprendre, car elle a de l’élan, le goût du jeu et du risque, et aussi ce solide bon sens qui, joint à celui très net de TOME XXX. — 1915. 3