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34 REVUE DES DEUX MONDES,) ce qui est bien et beau, arrive si naturellement jusqu’au courage. Madame Perrette Gavarrez, je vous ai embrassée de tout mon cœur à la portière de l’aulo qui vous emporte avec votre mari vers l’Italie et, je l’espère aussi, vers la contrée du bonheur. M Styrenson a profité de la circonstance pour me rede- mander en mariage, cette fois-ci à moi-même; j’ai décliné avec politesse cette offre flatteuse; il sembla un peu vexé, surtout lorsque je lui dis : « J’aime trop vos enfans pour pouvoir être votre femme... » J’avais surtout envie de me sauver dans une gambade, et ne me sentais aucunement le désir de faire des grâces et des phrases, et d’arrondir mondainement une conversation. II a dû me trouver plutôt rapide, le père Styrenson. Ma foil tant pis; il a l’habitude des affaires. Maman, pas contente, car elle s’était aperçue du tête-à-tête et de son résultat, m’a demandé après le déjeuner tardif : — Où vas-tu ? Refuser un autre mariage ? — Je sors avec miss Bonbon, En effet, la bonne miss Bonbon m’escorta un bout de chemin ; mais à la gare de la Muette, je lui dis très gentiment : — Chère Bonbon de mon cœur, je me sépare de vous; je vous donne rendez-vous à cinq heures et demie au thé anglais de la rue de Rivoli. Vous voilà libre d’aller voir vos amoureux... Je garderai scrupuleusement le secret de vos escapades... Là-dessus je me plonge dans une voiture et je disparais aux yeux épouvantés de la plus excellente Bonbon du monde. XXXVII Il fait froid; il fait gris; il fait triste; et je me sens transie jusqu’au fond du cœur. Néanmoins, une certaine force m’anime, et je suis beaucoup moins malheureuse que lorsque je pouvais douter que je l’étais. Je m’examine dans le miroir de la voiture et je ne suis pas mécontente de moi; j’ai chipé à maman un peu de rouge, et j’en ai mis, ma chère I II ne faut pas porter sur son visage les traces des résolutions irrévocables; il faut « finir en beauté. » Je me souviens, pendant que la voiture traverse le pont de Saint-Gloud, de notre équipée printanière avec l’abbé ; de