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PAUL HERVIEU

La mort de Paul Hervieu est une grande perte pour les lettres françaises. Il s’y était fait une large place au premier rang. Tour à tour romancier et écrivain de théâtre, il n’avait délaissé le roman qu’après l’avoir enrichi de quelques-unes de ses œuvres les plus originales et les plus fortes, et abordé le théâtre que pour y donner des pièces toujours intéressantes, curieuses, hardies, dont l’une au moins est devenue classique. Incontestablement c’était un maître. Les émotions de ces quinze mois tragiques ont-elles été en partie cause de la mort foudroyante qui l’a enlevé avant que la vieillesse fût venue ? Qui pourrait le nier ? Lui aussi, la guerre, frappant tout près de lui, l’avait atteint dans ses affections de famille : elle avait ajouté à l’angoisse commune la tristesse intime d’un deuil privé. Et elle avait été un cruel démenti à ses convictions les plus chères, l’écroulement de ses espérances ou de ses illusions. Attachant à la vie humaine un prix inestimable, passionné pour la liberté de l’individu, dévoué au culte du droit, il détestait la guerre. Il voulait croire que l’ère des grandes tueries était close et qu’il ne se trouverait pas un être au monde pour déchaîner sur l’humanité le cataclysme inouï que serait, dans l’état des armemens modernes, un conflit européen : la réponse des faits devait être cette guerre de massacre et de destruction, qui dépasse en horreur les pires souvenirs de l’histoire ! Il en a été humilié dans sa conscience d’homme, en même temps qu’il en était crucifié dans son cœur de Français. En présence de la crise terrible que traversait son pays, il a supporté impatiemment ce supplice de l’impuissance dont nous souffrons tous, nous qui sommes en dehors de l’action. Or, il était de ceux chez