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chapelles ou pieux logis, nous offraient, sur leurs visages de pierres grises, le charme et le sourire des chères et saintes choses de notre pays. Elles ont de jolis noms, et qui portent à la rêverie, ces humbles et poétiques retraites. « Près du petit cimetière de la Compagnie, se voit une imitation intérieure de la Santa Casa de Lorette, que la piété sulpicienne a choisie pour son lieu de prédilection[1]. » À côté d’un souvenir d’Italie, cherchons-nous un paysage français, et de l’Ile-de-France elle-même ? Montons ces quelques degrés de pierre. Arrêtons-nous sous un porche modeste, au cintre surbaissé, que ferme, à hauteur d’appui, une grille légère. Une allée bordée de pétunias, de géraniums et de sauges, mène vers un pavillon ancien, d’aspect abbatial. À gauche, une haute terrasse porte un quinconce de marronniers. Au fond, un clocher d’ardoises dresse sa pointe fine. C’est « la Solitude. » Et plus loin, c’est « Sion. » Là-bas, sous les arbres, se promènent les infirmières blanches. On dirait les jeunes choristes d’Esther. N’allons-nous pas les entendre ? « Mes filles, chantez-nous quelqu’un de ces cantiques. » — « Déplorable Sion, qu’as-tu fait de ta gloire ! » Ainsi devant nos yeux se lèvent les plus douces images de notre France, ainsi nous protons l’oreille à ses plus purs accens.

Dans cet harmonieux décor allait s’écouler une vie harmonieuse. Au bord du lac de Genève, dans le cimetière fleuri de Clarens, le passant peut lire ces mots sur la tombe d’Amiel : « Aime et reste d’accord. » L’hôpital du séminaire a vu s’accorder, jusqu’à se confondre, l’amour de Dieu et l’amour de la patrie. Qui donc oserait désormais, reprenant une formule dérisoire, dénoncer encore l’alliance « du sabre et du goupillon ? » Ici, depuis tantôt quinze mois, l’union de la croix et de l’épée a prodigué ses bienfaits et véritablement ses merveilles. De cette « union sacrée, » nous avons reconnu les principes et vérifié les effets. S’il en eût été besoin, nous aurions appris là, par expérience, de quels élémens admirables elle se compose, et quelle prudence, quel respect des consciences, quelle réserve, s’y mêlent à quel courage, à quelle tendresse, à quelle charité !

Jamais peut-être une même demeure, — et laquelle ! — ne rassembla des hôtes plus différens et moins préparés à la vie

  1. Renan, loc. cit.