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commune. Oui, c’est presque une vie de communauté, de communauté mixte, qui s’établit alors et qu’il fallut régler, d’une règle ferme et douce à la fois, sous le vieux toit sulpicien. « Mon séminaire blanc et mon séminaire noir, » disait en souriant le digne supérieur, des deux groupes, l’un d’infirmières et l’autre de prêtres, qui se faisaient vis-à-vis dans la chapelle, à l’heure de la messe et de la prière du soir. Encore une fois, il excellait à les régir tous deux. Son esprit de simplicité, sa bienveillance grave, son parfait naturel et son tact, assurèrent tout de suite et pour toujours, non seulement la facilité, mais le charme de relations qui ne consistaient qu’en de réciproques égards et dans un dévouement partagé.

Accord aimable, soutenu par une harmonie plus profonde et plus admirable encore. A l’hôpital du Séminaire, j’ai vu, toute une année, les deux élémens, les deux vertus, sacerdotale et militaire, en quelque sorte conjuguées, se multiplier l’une par l’autre, à l’infini. « J’ai vu, » pourrait-on dire avec Renan toujours, « j’ai vu à Saint-Sulpice les miracles que nos races peuvent produire, en fait de bonté, de modestie, d’abnégation personnelle. » Ces miracles, et d’autres aussi, nos soldats, nos prêtres, et nos prêtres-soldats, les ont chaque jour accomplis devant nous. Que de rencontres imprévues entre les deux caractères ! A quelles marques, pittoresques ou touchantes, il nous arrivait de les reconnaître, ensemble ou tour à tour ! J’entends encore un séminariste interroger un officier de marine : « Mon lieutenant, à quelle heure direz-vous la messe demain ? » Pour saluer tel ou tel, on ne savait pas toujours au juste si c’était : « Sergent, » ou : « Monsieur l’abbé, » voire : « Monsieur le curé, » qu’il fallait dire. Et comme ils portaient bien, simples et dignes à la fois, les deux signes de leur double vocation ! Quelle autorité, parfois un peu dure, avait le regard d’un jeune capitaine et déjà presque vieux séminariste, qui fut souvent notre hôte de passage et tomba depuis glorieusement ! Quel ton impérieux et bref dans le moindre accent de sa voix ! Tout en lui commandait, jusqu’à ses gestes. Mais, dès le seuil de la chapelle, quel respect, quelle ferveur aussi de lévite, en sa façon de courber, la tête et de ployer le genou ! Un jour qu’il avait parlé, d’un peu haut peut-être, à l’un de nos camarades, il n’attendit pas le lendemain, ou seulement le soir, pour s’en excuser humblement.