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quatre-vingt-treize cachent leur science derrière les canons ; et il faudra, pour les ramener à une décente modestie, la défaite de l’Allemagne. Patience ! et, en attendant, il n’était pas indispensable, mais il n’était pas inopportun, que la science française donnât signe de vie, rappelât « au monde civilisé » qu’elle existe depuis longtemps, qu’elle continue de florir et que, la France ôtée, la science universelle perdrait, disons, beaucoup.

Le ministère a eu l’heureuse coquetterie d’envoyer à l’exposition de San Francisco plusieurs centaines de volumes, les uns vieux, les autres jeunes, qui attestent l’ancienneté, la durée, l’activité toujours fertile de nos études. Il a demandé à quelque représentant de chaque science une notice qu’il a jointe à chaque série de volumes ; il a recueilli dans les deux tomes de La Science française tous ces résumés d’un travail immense et glorieux. C’est, à la date de 1915, le bilan d’un effort qui, depuis des siècles, n’a pas eu de cesse et qui ne se ralentit pas. Les auteurs, je l’indiquais, ne répondent pas à la provocation, trop burlesque, des savans allemands ; ils ne nomment et ne mentionnent seulement pas les professeurs Ostwald ou Lasson, ni les autres fantoches du pédantisme pangermanique : et ils gardent une sérénité qui est une leçon de jolie tenue pour ces mornes gaillards involontairement facétieux.

Je ne vois, dans les huit cents pages de La Science française qu’une allusion, et flatteuse, non pas à eux, mais à leurs devanciers plus recommandables. M. Ch.-V. Langlois écrit : « La renaissance des études historiques en France s’est dessinée dès la seconde moitié du XIXe siècle : elle s’est opérée en partie, au début, sous l’influence de l’Allemagne. » Il ajoute : « La présente notice a été écrite pendant la guerre qui met aux prises ce pays avec l’Europe (1914-1915) ; mais ce n’est pas une raison pour ne pas parler de ces choses tranquillement, et en vérité. » Certes ! Et l’on n’ignore pas la gratitude infinie, excessive et beaucoup trop confite en politesse que plusieurs Français ont professée à l’égard de la savante Allemagne. Notons, avec M. Langlois, qu’au temps où nos historiens se mettaient à l’école de l’Allemagne, la savante Allemagne « faisait fructifier l’héritage de la vieille France, délaissé et incompris par la France post-révolutionnaire. » Ce n’est pas l’Allemagne, c’est la France qui la première a pratiqué « ces industries préparatoires, auxiliaires de l’œuvre historique, modestes et difficiles, » que les « frivoles » ont l’air de dédaigner et que les érudits ont l’air d’emprunter aux Germains. Fions-nous à M. Langlois : « On n’aurait peut-être plus