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sous-gouvernement d’hommes scientifiquement et techniquement compétens pour cette tâche spécialisée à un haut degré.

« Un tel sous-gouvernement existe en fait en Allemagne. Il est de plus en plus manifeste que ce contre quoi nous luttons, ce n’est plus la rhétorique archaïque, et tout le système de vieilles prétentions que symbolise le Kaiser. En Flandre, nous nous heurtons à la vraie puissance de l’Allemagne, à la Westphalie et aux jeunes gens de la maison Krupp. L’Angleterre et la France doivent mettre en ligne l’élite de leurs jeunes ingénieurs et chimistes pour venir à bout de cette éclatante organisation. »

Ces fortes, dures et franches paroles, qui sont bien dans la manière anglaise, dans la manière d’un peuple qui n’a pas peur de la vérité, fût-elle brutale, parce qu’il y puise des raisons plus fortes d’agir, ont un retentissement intense dans tout le Royaume-Uni. Espérons que quelques échos emportés par la brise en parviendront au-delà du Canal… en Russie par exemple.

Quelles sont les causes de cette indifférence, envers la science, du public et du pouvoir (je rappelle qu’il s’agit toujours du public et du pouvoir anglais, lesquels sont d’ailleurs, à certains égards, frères des nôtres) ?

Au cours d’une lecture donnée par lui il y a quelques jours à l’University College de Londres, l’un des plus grands savans de l’Angleterre, M. Fleming, a analysé ces causes avec beaucoup de finesse.

Tous ceux qui étudient la philosophie politique, — qui est, entre parenthèses, une chose bien plus amusante que la politique, — ont depuis longtemps reconnu que toutes les formes de gouvernement ont leurs défauts particuliers, et que les gouvernemens démocratiques ou parlementaires eux-mêmes, — horresco referens ! — n’échappent pas à cette règle. Un des principaux défauts de ces derniers gouvernemens est, d’après M. Fleming, que les hommes qui obtiennent la haute main sur les choses, sont trop souvent les parleurs coulans et persuasifs, ou ceux qui savent manier les assemblées et sont doués pour l’éloquence et la discussion publique.

Par suite, comme M. Oliver le remarque dans son volume si suggestif, l’Epreuve par la Bataille, dans tous les pays à gouvernement représentatif, les orateurs exercent une influence considérable et prédominante dans les affaires publiques. Il s’ensuit qu’on y attache une importance démesurée aux phrases et aux mots. Le succès y dépend beaucoup de la manière dont une chose est présentée, et la forme de l’expression prime souvent le sujet lui-même. Mais l’objet de