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pas été et, pour tout dire, elle n’existe plus. Nous aurions incontestablement le droit de dire, avec la presse anglaise, que les trois Puissances protectrices de la Grèce, dont nous sommes, n’ont reconnu et garanti en elle qu’un gouvernement constitutionnel ; mais c’est une question délicate à laquelle nous ne toucherons que si on nous y oblige. Laissons le Roi s’entendre avec son peuple et son peuple s’entendre avec lui comme ils voudront, nous contentant de leur demander d’être envers nous ce qu’ils doivent être. Par malheur, la crise qu’il traverse a si fort augmenté l’instabilité du gouvernement grec que nous ne saurions songer au lendemain sans préoccupation. Si le sort d’un pays dépend de lui-même et d’un ensemble d’institutions qui se font mutuellement équilibre, on peut avoir confiance qu’il persévérera dans un certain ordre d’idées ; mais, s’il dépend d’un seul homme, l’histoire nous apprend que tout est incertain.

On aurait sans doute tort de voir dans le roi Constantin un ennemi de la France, et si la terrifiante pensée de l’Allemagne n’agissait pas sur lui comme une tête de Méduse, on s’expliquerait mal pourquoi ce Danois aurait contre nous une prévention quelconque. Son pays d’origine n’a-t-il pas souffert de l’Allemagne comme le nôtre, et son pays actuel en a-t-il jamais tiré le moindre bienfait? M. Venizelos vient de faire, sur lui, une révélation qui a fait réfléchir. Causant avec un rédacteur de l’Écho de Paris, il lui a raconté qu’au mois d’août 1914, au moment où les Allemands marchaient sur Paris et où rien ne faisait prévoir l’issue de l’événement, il s’était rendu auprès du ministre français à Athènes et que, « avec l’assentiment du Roi, » il l’avait prié de faire savoir à Paris « que la Grèce, amie de la France, était prête à l’aider dans la mesure de ses forces et de ses moyens. » Eh quoi ! le même roi Constantin, qui depuis... Oui sans doute : il faut le croire, puisque M. Venizelos le dit. Et ce n’est pas tout : n’avons-nous pas appris que, par la suite, le lendemain même de la chute de M. Venizelos, son successeur M. Gounaris, lui aussi avec l’assentiment du Roi, avait fait faire à la France de nouvelles propositions d’action commune? Que conclure de là, sinon que le roi Constantin, la seule autorité qui reste provisoirement debout en, Grèce, s’il n’est pas hostile, est du moins versatile. Le flux l’apporte, le reflux le remporte. Il est donc naturel que la présence autour de Salonique d’une partie importante de l’armée grecque nous ait paru plus inquiétante que rassurante, et que nous ayons désiré avoir un peu plus d’air autour de nous. En somme,