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que faisait cette armée? Que pouvait-elle y faire ? Sa présence était un danger pour elle encore plus peut-être que pour nous. Elle risquait, en effet, placée au centre d’opérations militaires qui se poursuivaient entre les Alliés d’une part et les Germano-Bulgares de l’autre, de s’y trouver mêlée malgré elle et d’être entraînée dans cette guerre dont la seule image a causé à M. Rhallys une si impressionnante attaque de nerfs. Mieux vaut à tous égards mettre une assez grande distance et comme une large marge entre les troupes grecques et les nôtres. Nous pensons bien que c’est ce qu’a nettement demandé la note des Puissances et ce à quoi la réponse hellénique a consenti.

Telle était la situation entre la Grèce et nous, telles étaient les questions que nous avions à résoudre ensemble. Fidèles à la vieille tradition qui a dominé notre histoire commune, nous n’avions que de bonnes intentions pour elle, mais il fallait lui faire comprendre que ses imprudences passées nous obligeaient à lui demander pour l’avenir des garanties tout à fait sûres. Le gouvernement de la République a cherché et a trouvé un moyen de tout concilier. Un de ses membres, M. Denys Cochin, en tout temps et sous toutes les formes, n’a pas cessé de témoigner à la Grèce la plus vive, la plus ardente sympathie. Il y a beaucoup de philhellènes en France, aucun ne l’est plus que lui, et les Grecs le savent si bien que, depuis plusieurs années déjà, ils ont donné son nom à une des rues d’Athènes. M. Denys Cochin était d’ailleurs, par sa bonne grâce naturelle et son charmant esprit, tout à fait à même de soutenir la bonne réputation qu’il s’était faite. Il devait plaire et, puisqu’on n’avait pas l’intention de rompre avec la Grèce, puisqu’on voulait au contraire la ramener à nous par un mélange de bienveillance et de fermeté, c’était une pensée heureuse de lui envoyer M. Denys Cochin avec un rameau d’olivier. Cette pensée a été comprise. L’accueil que M. Cochin a reçu à Athènes a été enthousiaste. Bien qu’il y soit arrivé la nuit, à onze heures du soir, toute la ville était debout pour l’attendre ; on se pressait à la gare, on chantait la Marseillaise, on criait à tue-tête : Vive la France ! Un grand nombre de maisons avaient été illuminées. On a beau se tenir en garde contre ces manifestations populaires qui, quelle qu’en soit la sincérité, n’expriment parfois que le sentiment d’un jour, comment ne serions-nous pas touchés de cet hommage spontané rendu à la France dans la personne d’un de ses fils dont on savait, à la vérité, qu’il aimait profondément la Grèce? Ces élans du cœur ne déterminent sans doute pas la marche des événemens, mais ils ont leur prix. La population d’Athènes a voulu marquer qu’en dépit des