Page:Revue des Deux Mondes - 1915 - tome 30.djvu/817

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Père, qui donna grand pardon à quiconque luy feroit bien[1]. » Mais il faut mettre au rang des fables une assertion de l’Historia politica[2] qui dit exactement ceci : « Le Pape et les autres souverains avaient promis à l’empereur Manuel des secours, mais ils ne les lui donnèrent pas, comme le prouva l’événement. Leur prétexte fut que cet empereur, un jour de fête, s’était refusé à saluer (embrasser) le manipule du bras droit d’un chorévèque où était brodée à l’aiguille l’image du Christ. Le Pape prit occasion de là pour écrire à tous les Italiens que, l’empereur des Grecs s’étant refusé à saluer l’image du Christ, quiconque lui porterait secours serait excommunié. » Toute cette histoire n’est qu’une invention, un tissu d’absurdités, en contradiction absolue avec les témoignages continus de bienveillance donnés à Manuel par Boniface IX, avant comme après le séjour de ce prince en Occident, bienveillance dont nous avons les preuves officielles dans la correspondance de ce pape. »

Dukas nomme Ferrare parmi les villes où passa l’empereur, dans le trajet qui le mena de Florence à Venise. La République le reçut à merveille, comme à son premier passage, et lui accorda également un secours de trois galères, sous le commandement de Léonard Mocenigo. On lui fit, poursuit Dukas, de très grands et nombreux dons. La flotte vénitienne le convoya ensuite en Morée. Il paraît avoir touché d’abord à Modon, puis de là s’en alla à Mistra, auprès de son frère Théodore, le despote de ce nom, pour y rejoindre les siens, qu’il lui avait confiés il y avait plus de trois années. Il retrouva bien sa femme, l’Impératrice ; mais il semble que deux de leurs fils en bas âge, dont l’histoire ne parle du reste pas, étaient morts durant son absence. En effet, un chrysobulle, délivré par Manuel, en date du mois de septembre 1406, à l’effet de réunir au diocèse de Monembasie l’église d’Hélicovouno, nous apprend qu’un double service hebdomadaire du mercredi et du samedi avait été fondé dans ce temple, pour le repos de l’âme de ces petits enfans de l’empereur qui y avaient été inhumés. Mon savant maître, feu E. Miller, a publié cet acte en entier dans le Catalogue des Manuscrits grecs de la Bibliothèque de l’Escurial .

  1. Il ne peut s’agir ici de l’antipape d’Avignon, Benoît XIII, le fameux Pierre de Luna, lequel d’ailleurs venait de s’aliéner la France, si longtemps déclarée pour lui.
  2. Dans la Turco-Græcia de Martin Crusius, Bâle, 1584.