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son projet ne devait compter ni sur la sympathie, ni sur l’assentiment des États-Unis.

De son côté, le comte Okuma avait fait précédemment un discours, dont la bienveillance même inquiétait sérieusement les partisans de la restauration ; mais, bientôt, ceux-ci reçurent soudain comme un véritable coup de massue. Le représentant du Mikado à Pékin, appuyé par les ministres de Grande-Bretagne et de Russie, faisait savoir que les trois Puissances étaient décidément hostiles à l’ascension de Yuen au trône impérial. La diplomatie française ne pouvait rester seule aux côtés du Kaiser pour continuer la politique désormais caduque du consortium, aussi, quelques jours plus tard, apprit-on enfin que la République française renonçait à son tour à approuver la restauration monarchique, en Chine, du moins pour le présent ; puis l’Italie se joignit aussi au groupe des Alliés.

Ces faits, de si haute importance, donnent à la question chinoise un aspect nouveau ; néanmoins, celle-ci reste entière car la situation intérieure de ce pays demeure toujours aussi mauvaise, aussi délicate pour les intérêts étrangers.


Cette question est depuis plusieurs années comme une pomme de discorde entre les nations, parce que l’immense peuple chinois, vivant isolé du monde, a trop bien suivi l’enseignement de ses philosophes antiques qui lui prêchaient la paix, et l’ont ainsi conduit au mépris du métier des armes. Nul peuple n’est plus pacifique, ni plus pacifiste que celui des sectateurs de Confucius et, à cause de cela même, le voilà, malgré le chiffre énorme de sa population, sans force de résistance contre les convoitises du dehors.

Croyant sans doute faire une politique d’habile prévision, les étrangers ont voulu le maintenir dans sa faiblesse de peur que, quelque jour, cette immense masse humaine étant devenue un tout organique ne fût un danger pour les autres peuples et ne pût rivaliser avec eux dans la guerre. En fait, on a abouti à faire de la faiblesse même de la Chine un péril d’un autre ordre : une excitation constante au déchaînement d’appétits adverses susceptibles de produire des conflits.

Déjà, on a dû renoncer à partager cet immense territoire devant les difficultés d’ordre extérieur, devant l’impossibilité