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Constantinople et de Salonique, des lignes qui devaient être, dans la pensée du gouvernement turc, de commandement militaire autant que de progrès économique. L’une, partant de Constantinople, gagnait Andrinople, Philippopoli et s’arrêtait à Bellova, frontière de ce qui était alors la province autonome de Bulgarie ; elle lançait deux embranchemens, l’un au Sud, d’Andrinople sur Dédéagatch, port de la mer Egée, l’autre au Nord, vers le district minier de Yamboli, avec projet d’extension jusqu’à Bourgas, port de la Mer-Noire ; ces voies une fois construites, la Porte pouvait espérer amener rapidement des troupes, le cas échéant, jusque près de Sofia, tandis que, à 300 kilomètres environ autour de Constantinople, une « grande ceinture » assurerait la défense entre la Mer-Noire et la Méditerranée. Quant à la ligne de Salonique, elle remontait la vallée du Vardar jusqu’à Uskub, et se dirigeait ensuite vers Mitrovitsa, près de Novibazar, au seuil de la Bosnie ; elle traversait les provinces riches de la basse Macédoine et serait la voie stratégique d’un corps ottoman devant opérer contre la Serbie ; deux prolongemens étaient prévus, l’un vers le bassin historique de Kossovo ; l’autre, infléchi au Nord, dans la direction de la frontière serbe.

La Société des Orientaux est restée autrichienne jusqu’à la crise de 1908-1909, marquée par l’annexion à l’Autriche-Hongrie de la Bosnie et de l’Herzégovine ; elle a dû se transformer alors en société ottomane, mais ce ne fut qu’un changement d’étiquette, car les directions n’ont jamais cessé de partir de Vienne. Le Congrès de 1878, qui brisa la suzeraineté turque dans les Balkans, spécifia que les droits du gouvernement turc sur les chemins de fer de la péninsule seraient maintenus. L’émancipation plus formelle de la Bulgarie, l’autonomie administrative accordée à la province de Philippopoli, dénommée Roumélie orientale, respectèrent donc le contrat des Orientaux.

Le Congrès de Berlin, en 1878, est la première étape diplomatique de la poussée germanique vers l’Est, du Drang nach Osten. Bismarck, qui en fut le suprême inspirateur, ne désirait encore qu’aviver dans les Balkans les jalousies de la Russie et de l’Autriche, afin de réserver à l’Allemagne une tranquille liberté dans l’Ouest de l’Europe ; il s’efforça donc d’écarter de Constantinople la Russie elle-même, et aussi la Bulgarie, que les Russes avaient adoptée, par une erreur qu’ils paient encore,