Page:Revue des Deux Mondes - 1915 - tome 30.djvu/921

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

remarquable faculté d’assimilation, une riche mémoire, une parole abondante et ce don de sympathie qu’il possédait éminemment. Il ne fut pas ministre, et, comme on dit, cela se remarque. C’est qu’il n’avait pas le goût du pouvoir : son ambition était plus haute et plus désintéressée, et il fut assez heureux pour la réaliser. Très vite, il s’était fait apprécier pour sa compétence dans les questions militaires. Il eut l’honneur d’être appelé à la présidence de la Commission de l’armée qu’avait occupée Gambetta. Pendant dix-sept années, il remplit cette fonction d’intérêt national. Au Sénat, il eut la vice-présidence de la même Commission, présidée par M. de Freycinet. Quels services il a rendus à son pays dans un tel poste, quelles ressources il a déployées pour défendre devant le Parlement la cause de notre armée, je n’ai pas qualité pour le dire. Toutefois, j’ai pu m’en faire quelque idée dans une circonstance qu’aucun de mes confrères à l’Académie n’a oubliée. Quand le général Langlois s’y présenta, ce fut Mézières qui soutint ses titres. Je me souviens avec quelle chaleur, mais aussi avec quelle précision impressionnante il fit ressortir le service rendu à la France par celui qui avait doté notre artillerie du canon de soixante-quinze. Bien souvent, au cours de cette guerre, en lisant dans les récits de combats les effets de notre merveilleux canon, j’ai pensé aux termes dans lesquels Mézières les avait annoncés, et ma reconnaissance est allée au général, savant technicien, et à celui qui avait eu la bonne inspiration de le guider vers notre Compagnie.

De professeur, Mézières était devenu journaliste. A vrai dire, il avait débuté dans la presse avant la guerre. Sa collaboration à notre Revue remonte à 1864, et, particulièrement active pendant l’Année terrible, elle ne devait plus jamais s’interrompre. Au Temps, il était de la fondation ; même, en des jours difficiles, il avait porté ses modestes économies au journal de Neffizer et de Scherer. Là encore, il ne cessa de donner des articles d’une pensée toujours ferme, d’un style toujours net et châtié. Il a réuni les meilleurs de ces articles sous ces titres : Morts et Vivans, — Silhouettes de soldats, — De tout un peu, — Ultima verba. Il y aborde tous les sujets, de littérature ou d’histoire, avec l’unique souci de renseigner le lecteur, sans jamais chercher ni à briller aux dépens de l’auteur, ni à se faire valoir par d’inutiles polémiques. Un de ces fidèles comptes rendus prit le