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avec la Roumanie. Les journaux de Bucarest font remarquer que le fleuve est considéré comme une voie libre, à l’égal d’une mer. La Roumanie ne pourra donc pas empêcher les forces russes de se servir de cette voie. Son gouvernement n’a d’ailleurs pas protesté quand la Russie a choisi ce moyen de communications pour ravitailler la Serbie. » La feuille allemande ajoute cette information, qui appelle de sérieuses réserves : « Le gouvernement du Tsar bénéficie d’un traité qui lui donne droit de navigation sur le grand fleuve. »

Quoi qu’il en soit, il ne semble pas que nos Alliés aient eu l’intention de profiter de cette convention, ou, tout simplement, de passer outre à toutes autres considérations que celles de l’intérêt militaire. J’ignore les motifs de cette abstention ; je n’ai donc pas à les discuter et me borne à constater que le Danube n’a pas été disputé aux Austro-Allemands et que ceux-ci tirent le plus large parti de cette admirable voie de communications[1]. Quel contraste avec ce qui se passa dans cette guerre de 1877-78 à laquelle je faisais allusion tout à l’heure ! On se rappelle quels furent, à cette époque, les exploits des marins russes. Ceux-ci, montés sur de frêles canots à vapeur armés d’une hampe à torpille, attaquèrent successivement trois monitors turcs, à Routschouk, à Nikopoli, à Matchin. Deux de ces bâtiments échappèrent à la destruction, grâce à des hasards heureux, mais le Séifi fut coulé en quelques minutes. La marine ottomane ne bougea plus.


Revenons au transport par mer de l’armée russe sur le sol bulgare. « Aujourd’hui, nous dit-on, un atterrissage sur une côte hérissée de mines, gardée par des sous-marins, en arrière de laquelle manœuvrent, avec des divisions bulgares, les corps d’armée de von der Goltz, parait devoir constituer une tentative hasardeuse. » La place me manque pour réfuter ces argumens où je retrouve toutes les répugnances que les opérations combinées inspirent à beaucoup de nos meilleurs officiers. Singulière ironie ! Dans le même temps que je recueillais ces fâcheuses réflexions, on lisait dans les journaux ce télégramme : « Londres, 27 novembre : des transports turcs, escortés par le Gœben et le

  1. Les Roumains ont annoncé qu’ils barraient le fleuve avec des mines automatiques dans la partie de son cours qui leur appartient exclusivement, de ïur-tukaï à Galatx. Les monitors autrichiens se préparaient à aller bombarder Reni.