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sont-ce les seuls sur lesquels on puisse compter de la part de l’Italie ? Nous ne saurions le dire. Remarquons toutefois que, pour le moment, la question urgente est de savoir si nous resterons à Salonique et que nous ne pouvons le faire que si nos alliés nous donnent un appui direct et immédiat. La rentrée en scène de l’armée serbe est une question de demain : celle de notre maintien à Salonique est une question d’aujourd’hui, et nous devons la résoudre non pas avec les possibilités ou même les probabilités de demain, mais avec les réalités et les certitudes d’aujourd’hui.

Quant aux Russes, leur bonne volonté ne saurait faire l’objet du moindre doute. Chacun des Alliés a un intérêt spécial dans la guerre actuelle : le nôtre n’est pas dans les Balkans, mais celui de la Russie y est. C’est pour ne pas laisser écraser la Serbie et, d’une manière plus générale, pour assurer la liberté et l’efficacité de sa politique balkanique qu’elle a tiré l’épée au mois d’août 1914. Nous avons tiré la nôtre parce que nous étions ses alliés, et qu’à nos yeux, les traités sont sacrés. Ce qui se passe en Orient nous intéresse sans doute, mais l’intéresse encore bien davantage, et nous n’hésiterions pas à dire que son devoir serait d’être à Salonique, si elle avait un chemin libre pour y arriver. Malheureusement, elle n’en a pas. Nous ignorons si elle peut débarquer des troupes à Varna et à Bourgas : il y a là un problème technique qui échappe à notre compétence. Les autres chemins lui sont fermés par la Roumanie, qui ne l’y laisserait pas passer en ce moment : peut-être le fera-t-elle plus tard, elle le fera même certainement le jour où la Russie en lui demandant poliment de lui ouvrir la porte, lui donnera l’impression qu’il lui serait facile de l’enfoncer. Telle est présentement toute la politique des Roumains : nous ne pouvons pas en douter, car c’est eux qui nous le disent. Bien qu’ils soient d’authentiques Latins et qu’ils s’en fassent gloire, ce n’est pas dans le Conciones qu’ils ont trouvé ces principes de conduite. Ils ont de grands ancêtres, mais ils sont plus près de leurs voisins d’aujourd’hui et Trajan ne les reconnaîtrait plus. Il ne faut donc pas compter que les Russes puissent dès maintenant trouver accès à travers la Roumanie et, dès lors, toutes les voies leur sont fermées. Ils ont pris le meilleur parti. Après une campagne où ils ont été malheureux, mais où ils se sont rouverts de gloire, ils se sont rendu compte de ce qui leur a manqué et ils travaillent à se le procurer ; leurs alliés les y aident et, d’ici à quelques mois, ils disposeront enfin de ce matériel de guerre dont l’absence a été la principale et même la seule cause de leurs échecs. Ils pourront alors